Chienne de vie que celle de Jacques Blanchot! Sa femme le flanque à la porte sous prétexte qu’elle est atteinte de blanchoïte aiguë, une maladie qui la pousse à se gratter lorsqu’il s’approche d’elle. Son fils profite de lui et il est exploité par son patron. Pour retrouver un peu d’amour il décide, en passant devant une animalerie, de s’acheter un chien. Avec niche, croquettes, laisse et dix leçons de dressage, le tout au prix fort exigé par un maître-chien fascisant.
Mais le chiot, qui en plus ressemble à Hitler, en ne va pas tarder à passer sous les roues d’un bus. Bouleversé, Blanchot s’installe à l’hôtel, mange les croquettes, dort dans la niche et va jusqu’à prendre les leçons qu’il a payées, se coulant dans le rôle du chien en acceptant les pires humiliations.
Un ton burlesque et décalé qui vire au noir
Signé Samuel Benchetrit, qui l’a adapté de son propre roman, Chien, interprété par Vincent Macaigne, Bouli Lanners et Vanessa Paradis commence sur un ton burlesque et décalé qui vire rapidement à l’humour noir. Très noir. Pathétique, gênant, limite malsain, cette comédie plus pathétique que drôle divise, provoquant la détestation totale ou une adhésion plus ou moins forte.
Invité à la présenter sur la Piazza Grande l’écrivain réalisateur explique que son livre, un exutoire, est né suite à un état dépressif et de doutes, où il se demandait pourquoi gagner de l’argent, rester dans le mouvement, avoir tant de préoccupations ridicules alors que la vie est si courte.
«C’est une histoire simple qui raconte quelque chose d’universel, être quelque chose ici-bas. Je dresse un état des lieux, je parle de dystopie, de cynisme à propos d’un personnage qui en est totalement dépourvu, qui va sortir de ce monde pour en découvrir un autre ». Cela m’intéresse de traiter un personnage sans ambition qui rend fou les autres par sa passivité, Une passivité qui les conduit à une violence extrême. Du coup c’est lui qui gagne».
Et tandis qu’il s’humanise en chien, vous dénoncez la déshumanisation de la société. Une prise de position politique?
Oui, je revendique modestement cet aspect. On est encore dans un fascisme incroyable. Rien n’est réglé, notamment en ce qui concerne les femmes. Là le fascisme est représenté par Bouli Lanners dans le rôle du dresseur. J’en ai rencontré et ils ne m’ont pas plu.
Ce qu’il fait subir à Jacques Blanchot va vraiment très, voire trop loin. N’y a-t-il pas de la complaisance dans votre façon de gommer tout ce qu’il pourrait y avoir d’humain chez lui?
Il faut aller au bout de son sujet. Mais il n’y a ni complaisance ni manipulation . Je ne veux pas plaire et j’imagine bien que les agissements du dresseur peuvent provoquer le malaise. Personnellement, en tant que spectateur, j’aime être bousculé.
En tout cas vous bousculez drôlement Vincent Macaigne, votre acteur principal. Assimilé à une maladie, il est quitté, frappé, obligé de se mettre à quatre pattes, de chercher la balle. On l'enferme dans une cage!
Aucun autre que lui n'aurait accepté ce genre d'avilissement, c'est certain.Il encaisse encore et encore. Vincent est un comédien incroyable. Il fait ce qu'on lui demande et reste complètement concentré sur l’humanité du personnage. Il connaît l'enjeu. Dans ses mises en scène de théâtre, il n'hésite pas à pousser également ses acteurs. Il a d'ailleurs fait beaucoup de propositions. En réalité, c’est un vrai rebelle, un révolutionnaire en avance sur son temps. Dans le film, c'est le plus heureux. Il n’attend rien des autres. Il comprend tout.
Alors finalement, est-ce mieux d’être un chien pour vous?
Non c’est mieux d’être un homme. Cela dépend de la façon dont je me lève le matin. L’humain est une race magnifique. Mais il oublie la nature, ne vit pas assez le moment. En ce qui me concerne, je suis par exemple très encombré par mon passé…
Après Adrien Brody, lauréat du Leopard Club Award, honorant une personnalité du cinéma qui a marqué l’imaginaire collectif, c’était au tour du talentueux Mathieu Kassovitz de décrocher l’Excellence Award Moët & Chandon pour sa carrière devant et derrière la caméra.
Une oeuvre mineure, à l‘image de la programmation de la Piazza Grande jusqu'ici. A une ou deux exceptions près. On mettra évidemment à part le captivant Good Time de Josh et Benny Safdie, présenté à Cannes en compétition en mai dernier. Dans ce polar noir, un homme cherche à faire sortir de prison son frère arrêté au cours d’un braquage qui a mal tourné. Une dérive déglinguée entre désespoir et violence frôlant parfois l’absurde dans les bas-fonds newyorkais. Le héros Robert Pattinson y est méconnaissable (photo).
Après avoir démarré mollement, cette 70e édition n'a guère changé de vitesse. A commencer par la compétition qui, au cinquième jour, n'a pas soulevé l‘enthousiasme des critiques. Un euphémisme dans la mesure où, sur les films proposés jusqu’ici, seul l’un d’eux Lucky, première réalisation de l’acteur John Carroll Lynch a provoqué des applaudissements relativement nourris. Davantage dus à la présence au casting du protagoniste principal Harry Dean Stanton et un certain David Lynch (photo) qu’aux qualités de l’œuvre. Ce qui ne l’empêchera peut-être pas de le retrouver au palmarès…
On a été encore moins sensible aux culturistes du Canadien Denis Côté. Dans son documentaire, Ta peau si lisse, il évoque six de ces monstrueux gladiateurs des temps modernes, mus par leur obsession narcissique du corps qu’ils ne cessent de travailler pour se dépasser. L’envie, le désir de s'exhiber sur scène s’inscrit dans un délire masochiste ou s’enchaînent régimes et entraînements épuisants.
Les Brésiliens Marco Dutra et Juliana Rojas s’aventurent plus loin dans le fantastique avec As Boas Manieras (Les bonnes manières). Infirmière solitaire de la banlieue de Sao Paulo, Clara est engagée comme nounou du futur enfant de la mystérieuse Ana. L’accouchement n’aura rien d’une délivrance… Sorte d’ovni dans la chasse au Léopard, l’opus se laisse certes voir. Mais victime de son infinie longueur et d’un jeu parfois approximatif, il n’améliore pas fondamentalement la qualité du concours