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  • Grand écran: "September & July" raconte la relation toxique et perverse entre deux soeurs. Interview

    Dans son premier long-métrage, basé sur le roman gothique de Daisy Johnson Sisters, la réalisatrice et actrice franco-grecque Ariane Labed nous raconte l’histoire de deux sœurs, September et July (Mia Tharia et Pascale Kann). Elles vivent avec leur mère célibataire Sheela (Rakhee Thakrar), vue dans la série Netflix  Sex Education .
     
    Le film dépeint la relation toxique et perverse entre les adolescentes, à la fois très proches et très différentes, élevées à Oxford par une mère d'origine indienne. Peu conventionnelle et à la marge, elle est tout de même dépassée par les comportements de sa progéniture. 

    Des jeux dangereux

     Frondeuse, autoritaire  sinon violente, l’aînée September abuse de son ascendant sur sa cadette d’un an, July, introvertie, soumise. S’inventant leur propre langage, elles se livrent à des jeux qui dérapent dangereusement, lorsque September oblige July à lui obéir au  doigt et à œil sous peine de  «perdre une vie».  Cela va de l'engloutissement d'un pot de mayonnaise à l'automutilation. 

    Explorant le pouvoir, l’envie de soumission, le besoin de contrôle, la cinéaste très attirée par les personnages ambivalents, propose un conte familial singulier. Sur fond d’émancipation et de féminité, il est teinté d’étrangeté, de surréalisme et d’une pointe d’horreur. Ariane Labed nous en parle plus en détail à l‘occasion d’une rencontre à Genève.

    C’est votre premier long métrage. Pourquoi avoir choisi ce roman?

    En fait, c’est BBC Films qui a pensé à moi pour l’adaptation, après avoir découvert le livre et vu mon court, Olla. Je crois avoir été assez fidèle à l’histoire, même si l’auteure m’avait permis d’en faire ce que je voulais. 

    Il y a un petit clin d’œil à Shining au début avec cette image des deux sœurs rappelant les fameuses jumelles maléfiques.

    Cela m’amusait. Mais ensuite je m’en émancipe. Mon idée n’était pas de faire un film de genre.

    Vous montrez une relation entre les deux sœurs marquée par la manipulation, l’emprise, une certaine cruauté

    C’est vrai mais pas seulement. Il y a de la complicité, de la tendresse .Et surtout un amour inconditionnel. Je veux montrer qu’il peut faire autant de mal que de bien. Les rapports humains sont complexes. Et la toxicité, la cruauté viennent aussi de l’extérieur, de l’école, du monde.

     Sheela, la mère, se sent relativement  impuissante face à ses deux filles. 

    En effet. C’est une mère imparfaite, mais en  même temps, une bonne mère. Parce qu’elle est aimante. Comme tous les parents, elle essaye, elle fait de son mieux, ce qu’elle peut. 
     
    En dépit de l’étrangeté de l’intrigue, il y a plein de scènes quotidiennes. 

     En effet. On mange, on fait la vaisselle, on va aux toilettes, on se lave les cheveux.  Les filles ont leurs règles. Et des poils aux jambes, sous les bras. J’avais envie d’en parler parce que dans le cinéma en général, on a tendance  à l’escamoter.  Comme si cela n’existait pas. 

    September & July, à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 février.

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  • Grand écran. "Reas", utopie queer dans un pénitencier désaffecté de Buenos Aires

    De profils très différents, elles s’appellent Yoseli,  Nacho, Carla ou Estefy. On les découvre dans Reas, une docufiction en forme de comédie musicale signée de la réalisatrice argentine Lola Arias. Devant sa caméra, d’anciennes détenues cis, lesbiennes ou trans rejouent leur incarcération. Elles se racontent à la première personne dans un pénitencier désaffecté de Buenos Aires, où étaient enfermés les prisonniers politiques sous la dictature du général Videla de 1976 à 1983. 
     
    L’action se déroule entre l’arrivée et le départ de Yoseli, condamnée à quatre ans et demi suite à son arrestation pour transport de drogue dans sa valise. Après une première scène humiliante, les matones la forçant à se dénuder presque entièrement, la jeune femme traîne son matelas jusqu’à sa cellule. Elle y retrouve sa co-détenue, qui  lui explique aussitôt les règles. Elles consistent en quelques mots : partage, soutien, solidarité. Et on n’y coupe pas. Dans la cour, Yoseli rencontre Nacho, un homme trans, leader du groupe rock «Hors de contrôle», ainsi que d’autres femmes. Question partage, la nouvelle a vite compris. Son paquet de cigarettes y passe...
     
    Reconstitutions scéniques
     
    A partir de là, le décor est planté et on assiste à des reconstitutions scéniques symboliques où les protagonistes se dévoilent: répétitions pour un concert, inspection des cachots, queue pour un coup de fil, demande de liberté conditionnelle refusée, séance de gymnastique, défilé de mode impliquant même les gardiennes. Et, point culminant, un mariage. À l’exception d’un rappel à la violence (l’envoi au mitard de Nacho, sadiquement passé à tabac), ces diverses activités sont prétextes au chant et à la danse, illustrant  le rêve d’un avenir meilleur.

    Plutôt kitsch, un rien confus dans son récit, Reas, interprété par des non professionnelles, a parfois des allures de patronage. Il ne demeure pas moins un objet singulier, Lola Arias installant un dispositif aussi original qu’intrigant. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 février.

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  • Grand écran: Daniel Craig, écrivain américain gay sous substances dans le sulfureux "Queer"

    Après le solaire Call Me By Your Name en 2017, l’anthropophage et romantique  Bones and All en 2022 ou encore l’insolite Challengers en 2023,  Luca Guadagnino nous emmène, avec Queer dans l’univers halluciné, et déjanté de William S. Burroughs, subversif chante de la contre-culture américaine mort en 1997.  Ce roman autobiographique de l’auteur datant de 1953, mais publié en 1985, a profondément marqué le réalisateur italien, qui l’a découvert alors qu’il avait17 ans. Dans cette adaptation sensuello-érotique coécrite avec Justin Kuritzkes, c’est Daniel Craig, célèbre quintuple James Bond qui se glisse dangereusement  dans la peau du quinquagénaire William  Lee,  écrivain homosexuel,  alcoolique et toxicomane.  

     Luca Guadagnino nous plonge d’emblée dans l’atmosphère moite et poisseuse de Mexico, au début des années 50. Une première partie esthétisante, recréée dans les studios de Cinecitta, comme pour mieux évoquer le monde presque irréel dans lequel évolue son héros américain expatrié. Toujours vêtu d’un  costume de lin crème, coiffé d’un chapeau, le nonchalant Lee traîne son spleen dans les bars gay de la ville.  Plus particulièrement au Ship Ahoy, où il se défonce au mezcal et à la tequila,  tout en discutant avec des compatriotes homos, ou son pote Frank, victime désignée de soupirants d’un jour  peu scrupuleux.
     
    En quête d‘un partenaire, de préférence jeune, Lee drague Eugene Allerton (Drew Starkey), un  étudiant photographe dont il tombe follement amoureux. Ce n’est pas le cas de l’énigmatique garçon qui semble préférer les femmes et le rejette, avant de lui céder avec plus ou moins d’entrain et d’entamer une relation oscillant entre le torride et l’indifférence. Mais peu importe pour Lee, qui s’obstine  à la faire durer.

    A la recherche d'une mystérieuse plante hallucinogène

    Adepte de toutes sortes de substances, il est obsédé par une mystérieuse plante hallucinogène, l’ayahuasca, et rêve que ses pouvoirs télépathiques poussent l’insaisissable Eugene à partager sa passion.  Il lui propose d’aller tous frais payés -à condition qu’il soit «gentil» avec lui deux nuits par semaine- à la recherche de cette drogue. Il vont alors parcourir l’Amérique du Sud, lancés sur la piste d’une botaniste explorant les propriétés de la fameuse plante en pleine jungle équatorienne. D’angoisse en délires, les amants vont atteindre l’acmé au terme d’une hallucinante chorégraphie nocturne, leurs deux corps se mêlent pour n’en faire plus qu’un seul. Et puis Allerton disparaît,  laissant Lee qui retourne seul au Mexique, à ses hantises et ses démons....
     
    Mettant en scène le désir inassouvi, le rejet, la domination, la dépendance, Luca Guadagnino suit l’errance désespérée d’un homme formidablement incarné par le bouleversant Daniel  Craig. Métamorphosé, habité,  le viril  007 n’ a pas craint de devenir cet être pitoyable, solitaire. Miné par son mal de vivre, il s’abîme et se perd dans des paradis artificiels. L’auteur livre ainsi un film sulfureux, envoûtant, certes moins fou que le roman, où il multiplie les scènes surréalistes, oniriques.  A l’image de celle rappelant la mort tragique de la femme de Burroughs en 1951. Ivre, il l’avait accidentellement tuée d’une balle en jouant à Guillaume Tell, fendant de sa flèche la pomme posée sur la tête de son fils. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 février. 

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