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  • Grand écran: "N'attendez pas trop de la fin du monde", avec une tornade blonde dans les rues de Bucarest

    Radu Jude avait séduit avec Bad Luck Banging, Ours d’or à Berlin il y a deux ans. Tourné  en pleine pandémie de covid, il raconte les tribulations d’une institutrice à Bucarest, victime de la diffusion d’une sextape. 

    Lauréat du Prix spécial du jury l’an dernier à Locarno, le réalisateur roumain revient avec N’attendez pas trop de la fin du monde où, pendant 2h45, il suit Angela, assistante de production surmenée, surchargée et sous-payée Au milieu d’une circulation dantesque, elle parcourt inlassablement en voiture les rues de Bucarest, tout en faisant (ça rend dingue) des bulles avec son chewing-gum.

    Tornade blonde, campée par Ilinca Manolache qui porte ce long métrage sur ses épaules, Angela doit filmer le casting d’une vidéo sur la sécurité au travail commandée par une multinationale autrichienne. Lorsque l'une des personnes interviewées révèle la responsabilité de l'entreprise dans son accident, le scandale éclate. En colère, soumise à un rythme infernal ( un leitmotiv dans l’histoire)  Angela lutte pour sa survie dans un monde où il est difficile de faire sa place au boulot, dans la société et dans sa propre vie.  

    Au  cours de son harassante journée, elle rencontre de grands entrepreneurs, des harceleurs, des  riches, des pauvres, des gens avec de graves handicaps, des partenaires sexuels. On a aussi droit à Bobita, son avatar, qui permet à l’auteur de recycler le type de masculinité toxique à laquelle les femmes sont constamment confrontées, histoire de libérer ce mécanisme de domination.

    Comme un collage

    A la fois road-movie, comédie, fable, critique de la société néolibérale, film de montage, l’opus composé d’un grand nombre d’éléments fonctionne comme un collage, avec différents types d’humour où stratégies esthétiques. Il comprend deux chapitres principaux, dont l’un traite d’exploitation du personnel, ou d’accident de travail. Les victimes sont  toujours à blâmer pour ne pas avoir respecté les consignes de sécurité alors qu’en fait ce sont tous des ouvriers exemplaires. 

    Enfin, dans cette odyssée contemporaine, en noir et blanc, Radu Jude mêle de la couleur, notamment avec le portrait d’une chauffeure de taxi au temps de la dictature communiste par le biais d’un film de 1981 Et qui, sans être une grande œuvre, laisse découvrir une forme de féminisme et des morceaux subversifs, En outre, cette confrontation d’images de l’époque d'avant à l’actuelle contribue à l’idée générale de Radu Jude, qui réfléchit à ce que nous sommes aujourd’hui. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 1er mai.

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  • Grand écran: "Frères", l'histoire vraie de deux enfants abandonnés qui ont survécu seuls dans les bois pendant sept ans

    Charente-Maritime 1948. Patrice, 7 ans et son frère Michel, 5 ans, sont abandonnés par leur mère indigne dans une maison pour enfants. Un jour, ils découvrent le corps du propriétaire qui s’est suicidé. Mais ils se croient responsables de sa mort. et, affolés, courent se cacher dans la forêt, où ils survivront, seuls, en pleine nature pendant sept ans ,s’adaptant très vite à leur nouvel environnement. Cette vie qui finit par leur paraître comme un paradis en dépit de conditions parfois extrêmes, crée entre eux un lien indissoluble. 

    En 1955, ils sont pourtant retrouvés et récupérés par leur mère qui va les séparer. Un véritable déchirement pour ces deux êtres qui ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre.et un retour dans la société plus difficile que les pires jours passés dans leur refuge sylvestre. .Au point que Patrice se suicidera à 49 ans.

    Mais peu avant cette fin tragique, les deux frères incarnés par Mathieu Kassovitz et Yvan Attal, se retrouvent dans une cabane québécoise… au fond des bois. Patrice est devenu médecin et Michel architecte. Mais le passé qui resurgit avec ses secrets et ses traumatismes, met à l’épreuve leur indéfectible relation fusionnelle. 

    Le réalisateur Olivier Casa, dont c’est le deuxième long métrage fait ainsi des allers et retours  trop systématiques entre les deux époques, liquide des pans de l’intrigue à grands coups d’ellipses et force sur le pathos avec les scènes répétitives de ces deux gamins enlacés pour lutter contre le froid et le danger. 

    Récit d’un drame qui se veut poignant, Frères est tiré d’une histoire vraie, rejoignant celles d’autres gosses perdus, nous dit-on, après la Seconde guerre mondiale. Alors oui, tout est authentique, mais l’étonnant c’est de constater la façon dont le réalisateur, involontairement certes, s’acharne à faire en sorte que tout sonne faux!. On pense notamment aux deux ravissants ermites en herbe qui ne changent pratiquement pas en sept ans, tout comme leur esthétique coupe de coupe de cheveux. Deux petites gravures de mode dont ni le visage crasseux ni les vêtements déchirés n’altèrent la joliesse pendant toutes ces années.

    Quant à leurs interprètes adultes, en principe blessés de partout, on ne les sens pas terriblement habités. A commencer par Yvan Attal que l’on sent assez peu concerné par l’histoire qu’il raconte.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 avril.

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  • Grand écran: "High & Low: John Galliano" raconte l'ascension et la chute d'un génie de la mode

    Très tôt, John Galliano est considéré comme un roi dans son domaine. Jusqu’à ce que sa fabuleuse carrière prenne brutalement fin en 2011. Installé complètement ivre dans un café du Marais parisien, il lance par trois fois à des passants, de nauséabondes insultes antisémites et racistes. Ce qui lui vaudra une condamnation judiciaire mineure, son licenciement de chez Dior et la privation de sa Légion d’honneur.

    Dans son documentaire High & Low :John Galliano, l’Ecossais  Kevin Mc Donald, notamment auteur de l’oscarisé Un jour en septembre retrace la fulgurante ascension et la chute spectaculaire d'un génie de la mode. Retraçant ses vies privée et professionnelle agitées, il explore, sans le ménager, ses luttes contre ses addictions à l’alcool, à la drogue aux médicaments, tout en insistant sur les énormes pressions subies dans le milieu, pouvant en partie expliquer les odieux dérapages. L'ensemble est ponctué d'images d'archives et d'interviews avec Naomi Campbell, Kate Moss, Penelope Cruz, Charlize Theron, Anna Wintour, prêtresses d'un univers impitoyable que l'auteur ne se prive pas de critiquer. 

    Face caméra, les cheveux tirés, Galliano, qui a perdu de sa superbe napoléonienne, de sa prestance de toréador, se confesse, affirme vouloir tout dire, montre sa contrition. Est-elle feinte ou authentique ? Une victime des injures racistes ne croit pas à son mea culpa. Mais le public forgera sa propre opinion sur la sincérité de cet homme, né en 1960 à Gibraltar d’un père plombier anglais et d’une mère au foyer espagnole. Il a grandi dans le sud de Londres, harcelé par les autres enfants et en proie à la violence paternelle à cause de son homosexualité. "J’ai toujours su que j’étais homosexuel», reconnaît-il d'ailleurs dans le film.

    La mode chevillée au corps

    Dans les années 80, Galliano part pour Paris, devient directeur artistique chez Givenchy en 1995 puis chez Dior une année plus tard. Le film exalte sa créativité. La mode chevillée au corps, il a tout inventé depuis sa première collection, Les Incroyables, proposant des défilés grandioses, dont il est à la fois le metteur en scène, l’acteur, le scénariste. Showman unique, il mêle théâtre et films expérimentaux.

    Pour cLes Clochards, en  2000, inspiré de Chaplin et des SDF qu’il croisait en faisant son jogging au bord de la Seine, il fabrique d’exceptionnels vêtements. Le spectacle se retournera pourtant contre lui, déclenchant de grosses manifestions. Il est accusé d’insensibilité envers les SDF, alors qu’il trouvait cela simplement beau.

    Quelques années plus tard, les choses vont commencer à empirer pour Galliano, relate cet opus traversé par la passion du grand couturier pour Napoléon, à qui il s'identifie, et dont Kevin Mc Donald se sert pour intercaler des extraits du film d’Abel Gance (1927). 

    Très affecté par la mort de son bras droit Steve, pressé comme un citron qui rapporte des millions  en concoctant 32 collections par an entre la couture, le prêt à porter, les sacs, les chaussures, les lunettes et on en oublie, John multiplie les provocations sous les effets de plus en plus dévastateurs de l’alcool et de la drogue.

    Lors d’une rencontre, le réalisateur nous explique la genèse de son film, qui se termine par la traversée du désert et la rédemption de son héros, depuis dix ans directeur créatif de la maison Margiela. «Je m’intéresse à la "cancel culture" et comment les auteurs de propos inacceptables conduisant à leur ostracisme social peuvent être pardonnés ».

    Connaissiez-vous John Galliano avant de réaliser le film? 

    Pas très bien. J’ai moi-même un héritage juif et j’ai été écoeuré par son comportement ignoble en voyant les vidéos.  Et puis j’ai découvert un être aimable, chaleureux, timide, regardant ses chaussures. Il était nerveux, s’inquiétant de la manière dont il serait traité pour avoir proféré le pire, en raison de ses addictions dit-il. Au bout d’un an, il a été convaincu. Nous avons eu trente heures d’entretiens, au cours desquels il m’a avoué ne pas s’attendre à être pardonné, mais espérait être compris.

    De votre côté, vous lui pardonnez ses explosions de haine?

    Oui, parce que je l’aime bien. Pour moi, il n’est pas idéologiquement antisémite ou raciste. Il se trouve qu’il a subi beaucoup de méchancetés dans sa jeunesse. Il est issu d’un milieu homophobe, né d’un père violent qui le battait en raison de son homosexualité précocement affichée. 

    Pensez-vous que lui vous aime?

    Nous avons eu une bonne relation, très confiante. Il aurait pu émettre des suggestions, mais il n’est jamais intervenu. Quand il dit oui, c’est oui. Point.

     Il a été soutenu par des ténors de la haute-couture.

    C’est normal. Avec lui les top models, par exemple, n’étaient pas que des mannequins, mais des actrices qui participaient à chaque fois à un projet. Elles l'adoraient et admiraient sa folle énergie. 

    Tout en explorant sa réussite, sa dégringolade, sa part d’ombre, vous rendez  hommage à ses fabuleuses collections, notamment Les Clochards, qui a provoqué des manifestations de colère auxquelles il ne s’attendait pas. 

    John est un génie, même si je n’apprécie pas tout ce qu’il fait. La clé pour le comprendre, c’est justement Les Clochards. Il ne conçoit le monde qu’à travers la beauté et c’est ce qu’il a voulu démontrer. Il prend ses idées de la rue et du sommet de l’échelle sociale. Certes, c’est un provocateur, un enfant terrible. Il s’en amuse et en jouit. En l’occurrence toutefois, il ne pensait pas du tout offenser les sans-abri.-

    Le fil rouge du documentaire, c’est sa passion pour Napoléon.

    C’est vrai qu’il Il est obsédé par le personnage, s’habille constamment comme lui. Il y a une certaine logique. Tous deux viennent du sud, parlent un mauvais français, montent à Paris, arrivent au sommet, tombent en disgrâce et connaissent l’exil. Quand j’ai introduit les scènes du Napoléon d’Abel Gance’ai pensé qu’il n’aimerait pas ça. Au contraire, il m’a affrimé « J’adore ces clips ".

    Depuis 10 ans, Galliano a retrouvé une maison, Margiela, mais son comportement a changé.

    En effet. Avant, il se mettait en avant en se pavanant sur .les podiums. Maintenant, il s’éclipse à la fin du show, pour échapper à la réalité. Il craint ce que les gens peuvent dire. 

    « High & Low. John Galliano » à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 avril.

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