Grand écran: "N'attendez pas trop de la fin du monde", avec une tornade blonde dans les rues de Bucarest (30/04/2024)

Radu Jude avait séduit avec Bad Luck Banging, Ours d’or à Berlin il y a deux ans. Tourné  en pleine pandémie de covid, il raconte les tribulations d’une institutrice à Bucarest, victime de la diffusion d’une sextape. 

Lauréat du Prix spécial du jury l’an dernier à Locarno, le réalisateur roumain revient avec N’attendez pas trop de la fin du monde où, pendant 2h45, il suit Angela, assistante de production surmenée, surchargée et sous-payée Au milieu d’une circulation dantesque, elle parcourt inlassablement en voiture les rues de Bucarest, tout en faisant (ça rend dingue) des bulles avec son chewing-gum.

Tornade blonde, campée par Ilinca Manolache qui porte ce long métrage sur ses épaules, Angela doit filmer le casting d’une vidéo sur la sécurité au travail commandée par une multinationale autrichienne. Lorsque l'une des personnes interviewées révèle la responsabilité de l'entreprise dans son accident, le scandale éclate. En colère, soumise à un rythme infernal ( un leitmotiv dans l’histoire)  Angela lutte pour sa survie dans un monde où il est difficile de faire sa place au boulot, dans la société et dans sa propre vie.  

Au  cours de son harassante journée, elle rencontre de grands entrepreneurs, des harceleurs, des  riches, des pauvres, des gens avec de graves handicaps, des partenaires sexuels. On a aussi droit à Bobita, son avatar, qui permet à l’auteur de recycler le type de masculinité toxique à laquelle les femmes sont constamment confrontées, histoire de libérer ce mécanisme de domination.

Comme un collage

A la fois road-movie, comédie, fable, critique de la société néolibérale, film de montage, l’opus composé d’un grand nombre d’éléments fonctionne comme un collage, avec différents types d’humour où stratégies esthétiques. Il comprend deux chapitres principaux, dont l’un traite d’exploitation du personnel, ou d’accident de travail. Les victimes sont  toujours à blâmer pour ne pas avoir respecté les consignes de sécurité alors qu’en fait ce sont tous des ouvriers exemplaires. 

Enfin, dans cette odyssée contemporaine, en noir et blanc, Radu Jude mêle de la couleur, notamment avec le portrait d’une chauffeure de taxi au temps de la dictature communiste par le biais d’un film de 1981 Et qui, sans être une grande œuvre, laisse découvrir une forme de féminisme et des morceaux subversifs, En outre, cette confrontation d’images de l’époque d'avant à l’actuelle contribue à l’idée générale de Radu Jude, qui réfléchit à ce que nous sommes aujourd’hui. 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 1er mai.

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