C’était l’un des rares prétendants à la victoire que je n’avais pas cité dans mes pronostics d’hier. Le jury présidé par Lambert Wilson en a donc encore trouvé un autre au sein d'une compétition qui n'a pas franchement fait des étincelles. Et attribué le Léopard d’or à Mantagheye Bohrani (Critical Zone) du réalisateur iranien Ali Ahmadzadeh, 37 ans,
Défiant la censure du régime autoritaire, il a tourné clandestinement à Téhéran .Son personnage principal, sorte de prophète moderne, sillonne les bas-fonds de la capitale en vendant de la drogue aux âmes en peine. Les films d’Ahmadzadeh sont interdits dans son pays qu’il n’a pu quitter afin de venir présenter son troisième long métrage. Mais le fait que beaucoup de gens l’ont vu représente pour lui un énorme succès.
Les autres prix
Comme prévu en revanche, le Roumain Radu Jude n’est pas reparti les mains vides. Il a raflé le Prix spécial du jury avec Do not Expect Two Much From The End Of The World, un film collage composé de plein d’éléments. En gros résumé, c’est une jeune femme exploitée par son boss qui circule interminablement dans les rues de Bucarest, à la recherche de victimes d’accident du travail.
De son côté l’Ukrainienne Maryna Vroda a reçu le Prix de la mise en scène pour Stepne. Dans son premier long métrage, l’opposante au pouvoir russe évoque les fantômes d’un passé qui va disparaître.
Enfin, pour compléter ce palmarès politique, une mention spéciale a été décernée à Nuit obscureAu revoir ici, n’importe où.Le Français Sylvain George suit de jeunes migrants mineurs marocains à Melilla qui tentent de gagner l’Europe par n’importe quel moyen.
En ce qui concerne l’interprétation, Locarno s’inspire de la Berlinale en remettant des prix non genrés. Ils sont allés à deux comédiennes. La Grecque Dimitra Viagopoulou l’obtient pour Animal, de sa compatriote Sofia Exarchou, où une animatrice s’offre à des touristes ivres, tandis que la Hollandaise Renée Soutendijk, égérie de Verhoeven dans les années 80, le décroche pour Sweet Dreams. Sa réalisatrice, la Bosniaque Ena Sendijarevic, veut souligner la banalité de la violence.
Final sur la Piazza Grande
Le festival s’est terminé avec la projection, sur la Piazza Grande de Shayda, réalisé par l’Irano-Australienne Noora Niasari et produit par Cate Blanchett. Qui a finalement renoncé à débarquer au Tessin. On retiendra surtout le triomphe fait à Ken Loach pour The Old Oak, qui a du coup logiquement reçu le Prix du public. On saluera par ailleurs la belle représentation du septième art avec le brillant Anatomie d’une chute de Justine Triet, Palme d’or à Cannes, Continent magnétique, la fascinante plongée en Antarctique de Luc Jacquet, ou encore La voie royale de Frédéric Mermoud.
En tout cas le directeur artistique Giona. A. Nazzaro est très content. «Locarno76 est une excellente édition, marquée par une participation en hausse de 10% et une sélection qui a ravi la critique, les cinéphiles et le grand public». a-t-il souligné. Ce n’est pas toujours ce qu’on entendait à la sortie des salles...
Mais finalement peu importe et vive Le 77e qui se tiendra du 7 au 17 août 2024.