De nombreux cinéastes indépendants ont réalisé des films LGBTIQ+, mais Bros est une grande première: d’une part le film est produit et distribué par une major hollywoodienne, en l’occurrence Universal, mais aussi il est écrit et porté par le comédien ouvertement homosexuel Billy Eichner, connu pour son humour caustique. Autre spécificité: la quasi-totalité du casting se revendique queer, à l’exception de caméos de actrices Debra Messing et Kristin Chenoweth.
Aux manettes de cette aventure entre deux hommes qui se lancent dans une relation amoureuse en dépit de leur réticence crasse et de leur peur panique de l’engagement, on trouve le spécialiste du genre Nicholas Stoller (Forgetting Sarah Marshall, Nos pires voisins 1 et 2, par exemple). Mais comme il est straight, il lui était impossible de se débrouiller seul. Il a donc fait appel à Eichner pour l‘écriture du scénario.
Un musée LBGTIQ+
Ce dernier joue en quelque sorte son double, Bobby Leiber, animateur new-yorkais à succès d’un podcast queer d’histoire. Cet angoissé existentiel dirige par ailleurs le premier musée de la culture LGBTIQ+, sur le point d’ouvrir. Au conseil d’administration de cette institution on trouve notamment une bisexuelle agressive, une lesbienne butch, une trans* noire ou encore un personnage non binaire. Stéréotypes assumés prétextes à des moments de folie, avec prises de bec mémorables.
Insupportable quadra professoral, véritable «pain in the ass» à la verve outrancièrement allénienne, Bobby, bien entouré par ses amis, a toujours vécu seul et n’a pas l’intention de changer, expliquant qu’il ne fait pas confiance aux gais parce qu’ils sont égoïstes et stupides et qu’il préfère les rencontres sur Grindr à une relation durable. En d’autres termes, il a un regard particulièrement cynique sur l’amour. Jusqu’au jour où il fait la connaissance, dans un club, du bel Aaron Shepard (Luke Macfarlane), avocat viril, spécialisé dans les testaments et les successions. Il passe pour un chaud lapin balourd qui, sans trop de surprise, révélera pourtant une nature beaucoup plus riche.
Des scènes très osées pour une major hollywoodienne
S’ils sont immédiatement attirés l’un vers l’autre, tout ne va pas comme sur des roulettes, chacun restant sur une volonté de ne pas s’impliquer émotionnellement. Ce qui donne lieu à une série de situations peu communes, pour ne pas dire jamais vues dans les films de grands studios. Principalement en ce qui concerne les séquences sexuelles. Évoquant son propre cas, Billy Eichner explique que les gais ont leurs règles et leurs façons de se comporter. D’où de nombreuses prestations torrides, certaines avec trois ou quatre participants. Toutefois Nicholas Stoller, incapable de premier degré, tient à les garder marrantes, comme il dit. Et elles le sont!
Comme d’ailleurs la majorité de l’opus, qui reste de la pure comédie adulte, grand public, avec un happy end assez original, mais on ne vous en dira pas plus. Le but de Stoller et Eichner était de réaliser un film authentique et réaliste, évitant de recycler les tropes hétéros, tout en dépassant les attentes d’un public dit cible. En résumé, un film qu’un hétéro peut aimer et regarder avec sa petite amie, estiment-ils. Tout en réfutant le fait que les rapports des deux bords peuvent se comparer, Bros n’en met pas moins en scène des personnages certes en quête de sexe très actif,, mais également d’amour, de passion, de romantisme.
Les auteurs du film poursuivent également la volonté d’instruire leur audience. C’est justement la fonction du musée présent dans cette œuvre, avec ses vitrines consacrées à de grandes personnalités queer, comme l’auteur James Baldwin, la poétesse Gertrude Stein, l’activiste trans* Sylvia Rivera ou le sexologue allemand Magnus Hirschfeld, traqué par les nazis. Une forme d’hommage rendu aux pionnier·ière-s, histoire de rappeler que les droits des personnes LGBTIQ+ restent menacés.
Sortie dans les salles de Suisse romande dès mercredi 19 octobre.