Avec son dernier film, le papa de Kirikou compose un recueil structuré en trois récits distincts, introduits par une conteuse d’ici et de maintenant en bleu de travail, qui s’efforce de satisfaire les requêtes parfois précises de ses auditeurs. Ses trois histoires le plus souvent très colorées, où il privilégie la simplicité du dessin, sont peuplées d’une foule de personnages, du dieu au tyran en passant par le justicier, l’amoureux, le prince, la princesse...
Elles se déroulent dans des styles graphiques, des cadres et des univers différents. Ses voyages dans l’Égypte antique, l’Auvergne du Moyen-Âge et la Turquie du XVIIIe siècle, ont obligé Michel Ocelot à se livrer à de solides s recherches sur les trois cultures. Il nous raconte cette aventure lors d’une rencontre à Genève.
-Suite à Dilili à Paris, fable féministe en forme de manifeste, vous vouliez, paraît-il, vous lancer dans quelque chose de plus léger.
-C’est vrai. Après l’opéra, j’avais envie de faire de la chansonnette. Et puis le Louvre m’est en quelque sorte tombé sur la tête, lorsque son directeur Jean-Luc Martinez m’a invité pour qu’on travaille ensemble. Jamais je n’y aurais pensé. Je lui ai même dit que je ne voyais pas comment, jusqu’à ce je découvre le projet d’exposition: Pharaon des Deux Terres, l’épopée africaine des rois de Napata. Je suis amoureux de l’Egypte antique depuis que j’ai 11 ans et j’adore l’Afrique noire. C’était tellement pour moi que j’ai proposé de réaliser un dessin animé.
-Sil est plus léger sur le fond, il est exigeant dans la mesure où il est quand même constitué de trois films courts, une épopée, une légende et une fantaisie. Vous aviez là du pain sur la planche. Parlez-nous de vos deux héros et de votre héroïne. Et d’abord le pharaon.
-Dans l'exposition, il rêve de partir à la conquête de l’Egypte. C’est un caractère qui me plaît bien. Il n’est pas cruel., Mais je suis allé au-delà de ses objectifs. Chez moi, il aspire à supprimer toute guerre, à gagner par les mots et non par les armes. A la fin il harangue les troupes des deux côtés. Je veux être votre pharaon, dit-il, donc je ne vais pas vous massacrer.
-On peut presque le prendre pour un message à Poutine, non ? Mais soyons sérieux. Et le sauvage, d’où vient-il ?
-Il s’agit d’une histoire rapportée par Henri Pourrat, amoureux de son Auvergne natale. Il a recueilli mille contes dont celui du Beau sauvage, où une amitié se noue entre un garçon et un prisonnier invisible. C’est la plus humaine que j’ai adaptée à ma façon. J’ai augmenté l’échange, rajouté une jeune fille et développé l’intrigue du côté Robin des Bois. J’aime cette idée de combattre l’injustice avec panache et une pincée d’Arsène Lupin.
-Reste enfin la princesse, à laquelle vous préfériez, dans l’intitulé, la Maîtresse des confitures, mais on vous en a dissuadé.
-En effet, je ne souhaitais pas ce mot de princesse. Mais bon... Cela dit, elle n’en a rien à faire de son titre et estime valoir mieux que cela. En réalité, ce troisième conte n’est pas sérieux. J’avais simplement une grosse envie d’utiliser la munificence des costumes turcs de l’époque. J’aime la beauté des corps, des coiffures, des vêtements, des bijoux.
Le film est à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 19 octobre.