Avec la bienvenue réouverture des salles, certes avec une jauge très réduite, les films déboulent en nombre. Ce mercredi, ils sont onze à envahir les écrans de Suisse romande. Dans l'impossibilité de parler de tous, on commencera par "Le diable n'existe pas", qui avait décroché l'Ours d'or à Berlin en 2020. Tourné clandestinement et censuré en Iran, il est signé du militant Mohammad Rasoulof. Deux fois condamné pour actes de propagande hostiles et atteinte la sécurité, interdit de quitter l’Iran, le réalisateur raconte l’histoire de quatre personnages aux destins liés.
Poursuivant sans relâche son combat, il place ses personnages face à des questions éthiques et politiques autour de la liberté de conscience et de la peine de mort. Heshmat, la quarantaine passée, est un mari et un père exemplaire mais personne ne sait où il se rend chaque matin. Pouya, jeune conscrit, ne peut se résoudre à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire. Javad, venu demander son amoureuse en mariage, est soudain prisonnier d’un dilemme cornélien. Bharam, médecin interdit d’exercer, a enfin décidé de révéler à sa nièce le secret de toute une vie.
Ce sont ces quatre récits qui structurent le métrage, avec la peine de mort et son impact sur les personnes, des hommes qui doivent servir de bourreaux, Détenteurs de la violence et du pouvoir de la mort, obligés de la donner, couverts par la loi, contraints par elle, ils accomplissent dans la souffrance et la honte les tâches affreuses que les autorités leur assignent dans un régime despotique « Dire non, c’est détruire sa vie », déclare l’un des protagonistes, avant toutefois de décider de se battre pour échapper à cette horreur.
A cet égard la première histoire est terrifiante dans la démonstration du quotidien normal d’une famille comme une autre, avec des préoccupations banales. Jusqu’à ce que tout bascule dans une réalité tragique. Mais tout en filmant brillamment des personnages au bord de l’abîme, privés d’une liberté destinées à les empêcher de réfléchir à leurs actes et à se révolter, Mohammad Rasoulof, n’en propose pas moins un film plein d’humanité et de poésie, se déroulant dans de superbes décors.
Il réserve également une belle place aux femmes, à la fois fortes et vulnérables dans cette oeuvre universelle. Il y aborde les différents thèmes qui traversent une société confrontée à des choix douloureux et qui nous pousse à la réflexion en ce qui concerne les nôtres.