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Grand écran: "Cancion sin nombre", la triste fable de l'enfant disparu

cancionsino.jpgPérou 1988. Sur des images d’archives, des panneaux d’information défilent. Terrorisme, inflation, crise politique, récession économique. C’est dans cette grave situation que Georgina (Pamela Mendoza) attend son premier enfant. A 20 ans, sans ressources, elle répond à l’annonce prometteuse d’une clinique proposant des soins gratuits aux femmes enceintes. 

Mais après l’accouchement, on refuse de lui dire où est son bébé et on la renvoie chez elle sans ménagement au petit matin .Après avoir vainement tambouriné à la porte en hurlant comme une bête blessée, elle erre de bureaux en guichets pour retrouver sa fille qu’elle n’a jamais vue, qui n’a même pas de nom, sans doute déjà vendue à l’étranger par une entreprise mafieuse. Sans cesse refoulée sous des prétextes divers. Georgina demande l’aide du journaliste Pedro Campos (Tommy Parraga), qui accepte de mener l’enquête. 

Le sort de la malheureuse ne va guère peser

Cancion sin nombre (en français Chanson sans titre) est le premier film de la Péruvienne Mélina Léon, qui avait eu les honneurs de la Quinzaine des réalisateurs en mai 2019. Elle développe une histoire qui la touche de près, le reporter qui dévoila ces sinistres trafics d’enfants étant son propre père.

Sans surprise, le sort de cette malheureuse jeune fille quechua (culture que la réalisatrice évoque à travers des fêtes, danses et défilés traditionnels), ne va guère peser. Comme en témoigne notamment le cynisme révoltant d’un juge. déclarant que les mères comme Georgina n’ont rien à offrir à leurs petits, et qu’ils sont bien mieux là où ils se retrouvent. La discrimination n’épargne d’ailleurs pas non plus Pedro. Homosexuel, il est lui aussi victime de pression et d‘homophobie dans une société intolérante. D’où le combat dérisoire mené par ces deux marginaux, citoyens de seconde zone en quête de vérité et de justice.

En noir et blanc, visuellement magnifique, très bien interprété par ses deux comédiens principaux à la fois retenus, tendus, intenses, quasi mutiques, cette fable triste et amère, particulièrement prenante dans sa moitié initiale, se révèle plus que prometteuse. Avec un tel sujet, Mélina Léon, diplômée de l’Université de Columbia en cinéma, aurait pu tomber dans le piège d’un traitement à l’américaine. Au contraire, elle y met sa patte personnelle, singulière, et élargit son propos en brossant le portrait dramatique d’une période noire de son pays, miné par le Sentier lumineux, mouvement armé le plus violent d’Amérique latine, les militaires et la corruption à tous les étages.

A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 8 juillet.

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