Désireux de donner une réponse morale et historique à Naissance d’une nation de D.W. Griffith (1915) film muet illustrant la pensée raciste en glorifiant le Ku Klux Klan, Nate Parker, 36 ans, acteur afro-américain méconnu, passe derrière la caméra pour livrer son propre Birth of a Nation. Un sulfureux biopic où il se réserve également le rôle principal. Coécrit avec Jean Celestin, il est récompensé par le Grand Prix du jury et celui du public au Festival de Sundance l’an dernier.
Pour sa première réalisation, Parker remonte 30 ans avant la guerre de Sécession, en Virginie, et propose une adaptation très libre de la vie du légendaire Nat Turner, qu’il voit comme son alter ego messianique. Esclave cultivé, c’est un prédicateur très écouté, Son propriétaire, Samuel Turner, se débattant dans des difficultés financières, accepte une offre visant à utiliser les talents de prêcheur de Nat pour soumettre des esclaves indisciplinés.
Après avoir été témoin des atrocités commises à l’encontre de ses camarades opprimés, et en avoir lui-même souffert avec son épouse, Nat passe à l'action et conduit la rébellion contre les propriétaires. Tuée dans l'oeuf, ce fut un bain de sang de part et d’autre, suivi par des lois particulièrement restrictives à l’endroit des Noirs dans plusieurs états, qui ont changé le cours de l’Histoire américaine.
Parker rattrapé par son passé
Cette sombre page fondatrice de la révolte anti-esclavagiste dans le sud des Etats-Unis, a soulevé de vives passions outre-Atlantique où, entaché d'un scandale hors pellicule, le film a été boudé, tndis qu'il a été privé de sortie dans divers pays. Selon la version de Parker, Turner décide de se révolter après le viol collectif de deux femmes esclaves, dont la sienne. Or il faut savoir que fin août 2016, le réalisateur, heureux vendeur de son film pour plus de 17 millions de dollars et favori précoce pour les Oscars après ses trophées de Sundance, est rattrapé par son passé.
Suivant des cours à la Pennsylvania State University, il avait en effet été accusé de viol, 17 ans auparavant, avec son ami Jean Celestin par une étudiante de 18 ans. Ils sont jugés en 2001. Parker est acquitté, Celestin condamné. Ce dernier fait appel mais la jeune fille refuse de revenir témoigner. L’affaire est classée en 2005. La victime se suicide en 2012. D’où l’éternel et complexe débat: doit-on dissocier l’homme de son œuvre? Voir les affaires Roman Polanski ou Woody Allen...
Un film qui divise
Dans son aspect purement cinématographique, l'opus divise logiquement. Militant, radical, porté par des comédiens plutôt convaincants, c'est un cri de colère vengeur efficace contre l'esclavage. Une œuvre choc, édifiante, à la fois poignante et brutale, d’une cruauté souvent insoutenable, affirmant avec force et rage que la barbarie ne fait qu’engendrer la barbarie.
Mais on lui reprochera aussi son manichéisme, un côté démonstratif, peu subtil sinon lourdaud, des scènes complaisantes dans la représentation de la violence ou n'évitant pas les clichés. Pour résumer, arrivant trois ans après le triplement oscarisé Twelve Years A Slave de Steve McQueen, The Birtlh of a Nation souffre tout simplement de la comparaison sur les plans du récit et de la mise en scène.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 avril.