On est tous d'accord. S’il y avait aujourd’hui un réalisateur capable d’adapter L’écume des jours, réputé inadaptable bien que déjà porté à l’écran en 1968 par Charles Belmont, c’était Michel Gondry, spécialiste d'effets artisanaux souvent délirants. En même temps était-ce nécessaire de se lancer dans une telle aventure qui pourrait à la fois rebuter les inconditionnels du roman et laisser les autres indifférents ?
Pas de quoi pourtant empêcher le MacGyver de la caméra hexagonale de relever le défi pour revisiter à sa manière le roman du mythique Boris Vian, qui a fasciné des générations d’ados avec son monde poétique, déroutant, surréaliste et jazzy. Pas à sa sortie en 1947 toutefois, ce monument de la littérature française n’ayant eu aucun succès du vivant de l’auteur, mort en 1959 à l’âge de 39 ans.
Dans L’écume des jours, Colin (Romain Duris) un garçon insouciant, idéaliste, assez fortuné pour ne pas avoir besoin de travailler, tombe follement amoureux de Chloé (Audrey Tautou) qui le lui rend bien. Autour d’eux gravitent quelques amis farfelus tels Nicolas (Omar Sy), le cuisinier et confident, collectionneur de jolies filles, ou Chick (Gad Elmaleh) un fanatique du philosophe Jean-Sol Partre.
Au début les tourtereaux sont ivres de bonheur. Mais dans cette Love Story avant l’heure Chloé va mourir, victime d’un nénuphar qui grandit dans ses poumons et l’empêche de respirer. Colin se ruine et s’épuise, acceptant des jobs de plus en plus absurdes pour tenter de la sauver. Parallèlement, au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, leur logement rapetisse et s’assombrit. En dépit des efforts constants d’une petite souris grise à moustaches qui s’évertue à nettoyer les carreaux pour laisser passer le soleil.
Certes, à l'instar du livre, le film offre une vision pessimiste de la société en général et du monde du travail en particulier. On ne peut par ailleurs pas reprocher au créatif Michel Gondry de trahir son idole de toujours, du moins sur le plan visuel, où il recrée avec talent son univers insolite et fantastique.
Gadgets bluffants et trouvailles à la pelle
A commencer par l’appartement de Colin, construit dans une rame de métro à ciel ouvert. Traduisant les inventions de Vian, le film fourmille de gagdets et de trouvailles, dont le bluffant pianocktail, permettant de composer une boisson différente selon les morceaux joués, l’anguille qui sort du robinet, la sonnette à pattes qui se déplace, l’envolée au-dessus de Paris dans un nuage, la voiture transparente du mariage. Sans oublier la fameuse danse du biglemoi.
Mais à trop se concentrer sur les objets, Michel Gondry tend à oublier les protagonistes qui ne suscitent aucune émotion. A l’image de Colin et Chloé (photo) dont la tragique et déchirante histoire d’amour devient presque anecdotique au milieu de ce loufoque bric-à-brac.
Mais le plus problématique finalement, ce sont les comédiens auxquels on ne s’attache pas dans la mesure où non seulement ils ne correspondent pas à notre imaginaire, mais surtout n’incarnent pas leurs personnages. Et si Audrey Tautou se révèle la moins bonne dans ce genre d’exercice, Romain Duris, Omar Sy ou Gad Elmaleh ne contribuent pas vraiment à relever le niveau de ce casting de producteurs.
Nouveau film à l’affiche dans les salles romandes dès le mercredi 24 avril.