Coup d’essai coup de maître pour ce tout premier film produit en Arabie Saoudite, réalisé de surcroît par une femme, Haifaa Al-Mansour et entièrement tourné à Riyad. Cette pionnière de 39 ans, qui a souvent dû se cacher de la population pour diriger ses acteurs, a été ovationnée à la dernière Mostra de Venise. Elle lève un pan du voile sur le quotidien des Saoudiennes à travers l’histoire d’une gamine de 12 ans, Wadjda, qui veut absolument s’acheter un vélo pour faire la course dans les rues avec un voisin de son âge.
Un sacré défi dans un pays où existe une ségrégation hommes-femmes, où ces dernières sont privées de droits et où la bicyclette constitue une menace pour la vertu des jeunes filles. D’où le refus de sa mère de lui donner l’argent nécessaire à cet achat. Qu’à cela ne tienne. Wadjda, aussi têtue qu’ingénieuse, issue d’un milieu conservateur mais portant jeans et baskets, ne reculera devant rien pour parvenir à ses fins.
Elle va ainsi s’inscrire, avec l’ambition de le gagner évidemment, au concours de la meilleure élève coranique, doté d’un prix qui lui permettra de s’offrir l’objet de ses rêves. Fine ironie de l’intrigue, dans la mesure où la réalisatrice se sert habilement d’un système non seulement pour en contourner les interdits, mais les retourner contre lui.
Tout en suivant les efforts de cette gosse délurée, frondeuse et rebelle, Haifaa Al-Mansour montre les tensions entre les traditions et le monde moderne dans un pays riche où fleurissent les écrans plats et les belles voitures, qui fonctionne sur un mode tribal. Elle nous parle en particulier de la difficile pour ne pas dire effrayante condition des femmes, dont celle, exemplaire, de la mère de Wadjda qui se soumet douloureusement à la volonté de son mari de prendre une seconde femme. Elle nous emmène aussi à l’école où les jeunes filles usent d’astuces diverses pour braver la censure.
La réalisatrice nous offre ainsi un excellent film, simple, intelligent, plein d’informations sur le royaume wahhabite. Les acteurs participent à la réussite de l’opus, à commencer par l'irrésistible et pétillante Waad Mohammed dans le rôle de Wadjda (photo avec sa réalisatrice). Cette comédie courageuse à l’humour teinté d’amertume, prudemment militante, percutante sans provocation, de nature à ouvrir une porte, ne sera toutefois pas distribuée en Arabie Saoudite faute de salles de cinéma.
Nouveau film à l'affiche dans les salles romandes dès mercredi 3 avril.