Chantre de la culture pop, alors enfant terrible et surdoué du cinéma indépendant américain, scénariste à 19 ans de Larry Clark dans les années 90 pour Kids et Ken Park, Harmony Korine a secoué la Mostra de Venise en septembre dernier, avec Spring Breakers.
Après les radicaux Gummo (1998), Julien Donkey Boy, étiqueté dogme (1999), et Trash Humpers en 2009, il met en scène de sulfureuses créatures peu vêtues à la plastique de rêve. S'exhibant dans de suggestifs bkinis, sa femme Rachel Korine, Ahsley Benson, ainsi que Vanessa Hudgens et Selena Gomez (l'ex de Justin Beaber), issues de l’école Disney, qui viennent casser leur image de jeunes filles sages.
Et ça dérape vite fait, les sexy girls fauchées et sans état d’âme braquent un restaurant pour financer leur Spring Break. Autrement dit la semaine de vacances d’avril, où les étudiants fondent sur la Floride pour s’éclater sur la plage au soleil, dans une débauche de drogue, d’alcool, d’électro et de sexe. Toujours aussi gras et moche, le sexe, avec cette exaspérante manie des Américains de mimer sottement l’éjaculation via des canettes de bière!
Mais bref. Alors qu’elles se lâchent dans un motel, les minettes en folie sont embarquées par les flics et se retrouvent en mini deux pièces dans une cellule. D’où, flairant le bon filon, les sort l’improbable gangsta sudiste et dealer Alien (James Franco) aux dents métallisées, aussi porté sur le flingue que sur le mysticisme. Sentant les choses se gâter, l’une des filles, c’est le côté moral, décide de rentrer chez papa-maman.
Dès lors le teen movie trash sombre dans le glauque infernal, à la fois cauchemardesque et fantasmatique. Les bad girls en survêtements flashy ivres d'une jouissive puissance, virent carrément sociopathe et défouraillent à volonté sur tout ce qui bouge dans des décors acidulés. Entre jeu vidéo, clips de rap ou MTV, films de gangsters revisités, le réalisateur donne ainsi une fois encore l’image d’une jeunesse américaine naïve, decadente, perdue et livrée à elle-même.
On perçoit certes ses intentions symboliques et métaphoriques. Voire comiques. On peine toutefois un peu à imaginer l’innocence et la beauté dans l’apologie d’un monde violent et sans valeurs, sinon celles, éternelles et plus mainstream qu'underground du fric, du sexe, du pouvoir. Reste que ce Spring Breakers sous substance, labellisé expérience sensorielle par son auteur et déjà considéré comme le "it film" de l’année, ne devrait pas tarder à devenir culte.
Film à l'affiche dans les salles romandes, mercredi 6 mars.