Trop rare avec six films à son actif dont Boogie Nights, Magnolia et There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson revient avec The Master, où il analyse une certaine aspiration au spirituel dans une société régie par le tout matériel. Après s’être battu dans le Pacifique, Freddy, matelot alcoolique instable errant de port en port, finit par trouve refuge à bord d’un bateau de croisière. Il transporte les membres de La Cause, une secte que dirige le charismatique Lancaster Dodd.
Freddy tombe rapidement sous la coupe de ce gourou, inspiré de L. Ron Hubbard, qui de son côté apprécie son nouvel adepte. Paul Thomas Anderson dresse ainsi, sous couvert d’une réflexion sans concession ni jugement autour de la scientologie, dans un monde ravagé en quête de repères et de sens, le portrait de deux personnages que tout sépare et rapproche à la fois. Deux esprits opposés qui se nourrissent paradoxalement l’un de l’autre.
Le réalisateur met ainsi longtemps face à face un vétéran de la seconde Guerre mondiale traumatisé et paumé qui se détruit à grands coups de redoutable gnôle maison plus ou moins hallucinogène, et un guide mystificateur se piquant de savoir, de science et de philosophie, vendant une méthode d’amélioration on personnelle basée sur la mémoire. Mais dont le but est clairement de séduire les esprits faibles. Au final pourtant, chacun des deux restera imperméable à l’autre. D’où quelque part un sentiment frustrant d’inachevé. Voire d’inabouti.
Du coup, le film qui mise beaucoup sur l’esthétique, peut rebuter par son côté assez froid, intellectuel et bavard. Mais là n’est pas le plus important. Cette exploration de différents thèmes comme le groupe, l’appartenance, l’identité est surtout l'occasion, pour ses deux héros Philip Seymour Hoffman et Joaquim Phoenix (photo) de nous démontrer leur immense talent d’acteurs. La dernière Mostra de Venise ne s’y était pas trompée en leur remettant ex-aequo le prix d’interprétation.
Renoir père et fils
Maurice Pialat avait particulièrement séduit avec sa vision des derniers jours de Van Gogh. Gilles Bourdos s’y essaye sans vraiment convaincre dans Renoir, en raison du côté scolaire d’une mise en scène conventionnelle, où il raconte le crépuscule d’un génie et l’éclosion d’un autre.
Nous sommes en 1915. Auguste Renoir, miné par la mort de sa femme et les ravages de l’âge craint de voir sa veine créatrice s’assécher et continue à peindre de ses mains douloureuses pour se perfectionner encore. De son côté Jean, de retour de la guerre ou il a été blessé, ne sait trop que faire de sa vie. Le débarquement dans la famille de la jeune et audacieuse beauté Andrée Heusling, plus connue sous son nom d’artiste Catherine Hessling, va doper l’inspiration du père et provoquer chez le fils une grosse envie de cinéma, dont ell sera la vedette.
Ce moment charnière où se mêlent les destins d’Auguste, de Jean et d’Andrée, leur muse commune, est une bonne idée de scénario. Mais, même s’il s’applique à ne pas idéaliser les Renoir, Gilles Bourdos reste un peu scotché sur ce côté transmission et passage de flambeau, sans véritablement exploiter le ressort dramatique né de la rivalité amoureuse et de la sensibilité artistique.
Reste le côté lumineux du film servi par une photographie remarquable, et le travail des acteurs. En fils du peintre et futur monstre sacré du cinéma français, le jeune Vincent Rottiers donne la réplique à Michel Bouquet (photo) qui, en géant de la peinture pas toujours sympathique, n’a pas besoin de trop se forcer pour créer l’illusion. Dans le rôle d'Andrée, Christa Théret ne se montre pas aussi convaincante même si elle n’hésite pas à dévoiler tous ses charmes.
Films à l'affiche dans les salles romandes dès mercredi 9 janvier.