le blog d'Edmée - Page 286
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US Open: une étoile est née. Française évidemment...
Exceptionnel, prodigieux, colossal, géant, titanesque, monumental, phénoménal, en un mot: énorme. Cette collection de superlatifs, c’est pour saluer l’exploit de Lucas Pouille, qui a fini au bout du bout d’un suspense de plus de quatre heures par décorner le taureau de Manacor en cinq sets.Loin de moi l’idée de nier la réelle performance du talentueux garçon, fort sympathique et que toute le monde adore aujourd'hui. Mais il faudrait un peu raison garder. Et relativiser en se souvenant de prouesses de loin plus extraordinaires.Quand je songe à Wilander, Chang ou Becker, tous trois vainqueurs d’un Grand Chelem à 17 ans, ou à Federer numéro un mondial à 22 ans et cinq mois, il y a en effet quelque chose de pathétique dans cette folle agitation hexagonale autour d’un jeune homme pratiquement du même âge, qui se retrouve dans... le top 20 après avoir battu Rafael Nadal en… huitièmes de finale à l’US Open.Un Nadal moins saignant qu’auparavant de surcroît. La preuve c’est que le brave Pouille prive à nouveau le champion espagnol d’un quart de finale de grand Chelem qui lui échappe depuis Roland-Garros 2015. Et le pauvre a subi d'autres crève-coeurs. Le Belge Steve Darcis l’avait atomisé dès le premier tour en trois sets en 2013 à Wimbledon (l’Espagnol venait pourtant de gagner Roland-Garros), et il en avait fallu un petit de plus à l’Allemand Dustin Brown, pour lui jouer gazon maudit deux ans plus tard.Que je sache, les Français n’en avaient alors pas fait un tel plat. Bien que ces deux joueurs étaient mal classés, Brown pointant même au 102e rang. Tandis que le Tricolore occupait le 24e à l’entame de son match. En outre, il me suffit de penser que le modeste Helvète Marco Chiudinelli a été à deux points d’éliminer la nouvelle étoile hexagonale en trois manches au second tour pour me donner une idée de la forme pas franchement flamboyante du pitbull ibère. Contrairement à ce que nous assurent avec force et conviction les spécialistes français, histoire de donner un gros surplus de panache à la "victoire de légende" de leur poulain. Je sais, on me rétorquera que c'est différent. Mais je ne vois pas vraiment en quoi.Monfils et Tsonga, autres formidables pépitesA part ça, Lucas Pouille n‘est pas le seul à les mettre en transes. Il y a aussi Gaël Monfils, crack grandiose, véritable terreur du circuit. Doté d'un fabuleux coup d’œil, c’est lui qui anticipe le mieux, qui marche impitoyablement sur ses adversaires, les obligeant constamment à produire le coup de plus, sinon de trop, qui lui permet de gagner se matches les doigts dans le nez. Et que dire de l’éblouissant et puissant Tsonga, redoutable au service et à la volée et dont les balles supersoniques fuient sadiquement les relanceurs. Lui aussi avait flanqué la pâtée à Nadal en… 2008 à Melbourne.Je veux bien croire que tout cela soit vrai. En même temps, j'aimerais qu’on m’explique pourquoi Jo-Wilfried n’a toujours pas été fichu de remporter un Grand Chelem a passé trente ans. Sans parler du galactique Gaël, dont le plus retentissant succès consiste à avoir enfin remporté cette année… l’ATP 500 de Washington, après quatre misérables tournois 250 au cours de sa longue carrière.Pour couronner le tout, le fameux trio se retrouve, c’est historique (!), en quarts de finale à Flushing Meadows. Et un Français sera forcément dans le dernier carré, puisque Pouille doit affronter Monfils. Du coup, il est envisageable que l’un d’eux puisse être sacré roi de New York. Je n’ignore pas le méga-tsunami médiatique, assorti de perpète, qu’implique cette éventualité pour les habitants de la planète dépourvus de sang bleu. Mais il serait temps qu'une victoire vienne corroborer ces tonitruantes professions de foi! -
Grand écran: "Le fils de Jean" à la recherche du père. Emouvant petit polar familial
Cadre commercial parisien divorcé de 33 ans, Mathieu reçoit un matin un coup de fil inattendu du Canada l'informant de la mort de son père, médecin à Montréal dont il ne savait rien. L’appel vient d'un nommé Pierre, le meilleur ami du défunt, qui lui apprend qu’il s’appelait Jean, qu’il était patron d’une clinique de chirurgie esthétique et qu’il a laissé deux grands fils.
L’enterrement devant avoir lieu quelques jours plus tard, Mathieu, lui-même père d’un petit garçon, est poussé par le besoin de découvrir ses racines. Il décide aussitôt de se rendre au Québec pour rencontrer Sam et Ben, ses demi-frères qui, de leur côté, ignorent tout de lui. Il va apprendre à mieux les connaître au bord d’un lac au cours d’un week-end où, également en compagnie de Pierre, ils sont partis à la recherche du corps de Jean. Apparemment celui-ci s‘est noyé, victime d’un infarctus…
Le huitième long-métrage de Philippe Lioret est très librement inspiré du roman de Jean-Paul Dubois Si ce livre pouvait me rapprocher de toi. A travers la quête d’identité de Mathieu, ce fils sans père qui s’en cherche un, l’auteur livre un récit intimiste dans un beau film simple, sensible et émouvant, en travaillant ses thèmes chers.
Drame modeste mais impeccablement tenu, il joue sur le secret en empruntant les codes du polar. Il y a le souvenir d’un lointain amour parisien entre la mère de Mathieu et le dénommé jean. Un coup d’un soir lui avait-elle dit, sans vouloir en révéler davantage. Il y a aussi la disparition mystérieuse de cet homme, menant à une enquête au sein de la famille.
Sans oublier l’interdiction étrange faite par Pierre à Mathieu. Il lui enjoint de dissimuler qui il est, sous prétexte que la présence d’un fils illégitime ne peut que perturber davantage la famille en deuil. Mais si le réalisateur se sert de cette trame policière, c’est pour nous emmener ailleurs. Misant sur les dits et non-dits, les émotions contradictoires, il organise subtilement le rapprochement entre les personnages, plus particulièrement entre Mathieu et Pierre.
Caractères centraux, ils sont interprétés par d’excellents acteurs. Pierre Deladonchamps (photo), César du meilleur espoir masculin pour L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie est parfait dans le rôle de Mathieu se rêvant une famille et impatient d'en faire partie. Comme Gabriel Arcand dans celui de Pierre, oncle ombrageux, à fleur de peau, ours mal léché et taiseux dissimulant une mystérieuse souffrance.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 3 août.
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Grand écran: "Rara", le défi de l'homoparentalité face à une société chilienne corsetée
Sara 13 ans et Catalina 9 ans vivent avec leur mère Paula et sa compagne Lia dans une chaleureuse ambiance féminine. Ce qui déplaît à leur père Victor, qui les prend pour le week-end et les vacances. Il s’est remarié mais n’apprécie pas cette promiscuité et souhaiterait que ses filles mènent une vie de famille «normale». Il considère en effet que l’éducation préconisée par les deux femmes et l’image que donne le couple sont nocives.
Son avis est partagé par son entourage, notamment une grand-mère trouvant qu’elles vont trop loin et traduisant son sentiment par un «Nous ne sommes pas à New York, mais à Vina del Mar… » Trop jeune pour avoir des préjugés, Catalina n’a apparemment que faire du regard des autres. Elle apprécie beaucoup sa vie entre ses deux mamans.
Ce n’est pas le cas de Sara. A l’aube de l’adolescence, elle aime les garçons, bien qu’elle les trouve plutôt bêtas. Un peu mal dans sa peau et dans son corps qui se transforme, elle se cherche en manifestant quelques velléités de rébellion.
Suite à une dispute futile, elle refuse de fêter son treizième anniversaire chez sa mère et quitte la maison pour aller chez son père. Qui en profite pour intenter un procès à son ex-femme dans l’espoir de récupérer la garde de ses enfants.
Adaptation d'une histoire vraie
Rara (Bizarre), premier film de la Chilienne Maria-José «Pepa» San Martin, journaliste, puis assistante réalisatrice après un passage au théâtre, est adapté d’un d’une histoire vraie. Il s’agit du cas de la juge Karen Atala, violemment discriminée en 2003 pour avoir fait son coming out. Avant de gagner son combat dix ans plus tard.
Dans ce film co-écrit avec la scénariste Alicia Sherson, Pepa San Martin élude heureusement les lourdeurs de la procédure juridique Pour les éviter, elle a choisi de raconter l’histoire d’un bout à l’autre du point de vue de Sara, optant pour un ton oscillant entre la légèreté, le sérieux, le drame, la drôlerie et l’émotion.
Par petites touches, sans dramatiser, la cinéaste s’inspire d’événements a priori sans importance, de remarques mal placées, d’un mot de trop, l’ensemble étant propice à autant de rebondissements et de surprises, jusqu’au dénouement plutôt inattendu…
Elle brosse ainsi un portrait intelligent, tout en subtilité et en finesse du quotidien de cette famille homoparentale victime de rejet au sein d’une société conservatrice. Une jolie réussite qui tient également beaucoup à ses interprètes. A commencer par Julia Lübbert, de tous les plans, étonnante de justesse, de pertinence et de naturel.
A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 31 août.