Après Perdrix en 2018, Erwan Le Duc revient avec La fille de son père. Comédie originale, elle se distingue par son ton, en offrant de la filiation et de la paternité une vision décalée et pleine de fantaisie , en mettant en scène Etienne( Nahuel Pérez Biscayart) et Rosa (Céleste Brunnquell), deux personnages attachants qui entretiennent une relation fusionnelle..
Flash-back rapide pour la mise en place. Etienne, 20 ans, rencontre Valérie dans une manif à Paris. Coup de foudre, amour fou, naissance de Rosa. Et puis Valérie s’en va sans explication, laissant le jeune père-se débrouiller avec le bébé. Faisant preuve de résilience en dépit de sa tristesse Etienne, devenu entraîneur de foot amateur (clin d’œil de l’auteur, ancien journaliste sportif), élève seul sa fille, lui vouant un amour inconditionnel. C'est réciproque, chacun se consacrant à l’autre dans un rapport d’égalité peu commun, évoquant sans tabou et avec humour tous les sujets.
La séparation s’annonce difficile
Joie, tendresse et bonne humeur règnent dans la maison. Mais seize ans se sont écoulés et le moment semble venu de tourner la page. Etienne voudrait vivre avec sa nouvelle dulcinée (Maud Wyler) et Rosa, admise aux Beaux-Arts de Metz est sur le point de quitter le nid. Avec réticence. Alors que la séparation s’annonce difficile, Etienne retrouve par hasard une trace de Valérie en regardant une émission télévisée. Le passé ressurgit...
Tout en traitant sérieusement de la perte d’un amour et d’une mère, Erwan Le Duc refuse de dramatiser, émaillant son récit de scènes cocasses, de dialogues farfelus et de situations burlesques. A l’image d’une scène baroque avec Noémie Lvovski au bord d’un terrain de foot.
N’évitant toutefois pas quelques longueurs et bavardages, le film vaut surtout pour son interprétation. Nahuel Pérez Biscayart, révélation de 120 battements par minute se glisse avec bonheur dans la peau de ce père qui a mis une croix sur le passé pour mieux s'occuper de son enfant. Il est irrésistible avec son côté Buster Keaton de poche, ses grands yeux étonnés qui lui mangent le visage.
De son côté, voulant devenir peintre et amoureuse d’un jeune poète courtois (Mohammed Louridi), Céleste Brunnquell, découverte dans Les éblouis et En thérapie, séduit par son côté cash, pétillant, intrépide, insolent. .
Une actrice qui monte et qui a des convictions
D’origine allemande, 21 ans, née à Paris, Céleste, rencontrée récemment à Genève, est une actrice qui monte et qui affiche des convictions féministes. C’est aussi une grande lectrice et une bosseuse qui s’engage dans ses choix de films. Alors que La fille de son père sort sur les écrans, on la retrouve dans trois autres longs métrages qu’on devrait bientôt découvrir et s’apprête à en tourner un autre en janvier. Elle s’intéresse par ailleurs de plus en plus aux documentaires qui traitent de l’intime, du social ou de la politique
Précoce, elle a commencé la danse au berceau et le théâtre à 15 ans, avant d’être choisie pour Les éblouis (2019) « A l’époque, nous raconte-t-elle, j’’étais encore à l’école, je n’avais aucune idée de rien, je ne savais rien. Progressivement, j’essaye de faire des choses que j’aime, découvrir de nouvelles idées de mise en scène, avec de l’audace».
D’où votre envie de travailler avec Erwan Le Duc.
Absolument. Son premier film, Perdrix m’avait énormément plu et j’ai adoré le rôle de Rosa. Même si je ne le cherchais pas, je me retrouvais dans sa sensibilité artistique, sa façon d’être, de savoir ce qu’elle veut ou pas.
Son univers semble particulièrement vous correspondre
C’est vrai. La marque de fabrique d'Erwan, c’est de décaler le réel, de faire exister ses personnages différemment, de trouver une harmonie, de montrer l’absurde, comme peut l’être la vie. Car en même temps, le film est très réaliste.
Nahuel Pérez Biscayart apparaît davantage comme votre grand-frère que votre père.
En effet. Dans la mesure où il a eu ce bébé à 20 ans, il n’a pas véritablement mûri. L’écart entre Rosa et lui est marrant-. En fait ils grandissent ensemble. Ils sont complices, se ressemblent, se tiennent, se soutiennent et entretiennent un rapport d’égalité passionnant. C’est rare de le voir au cinéma.
La fille de son père, à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 20 décembre.