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Grand écran: "A Good Man" explore le désir d'enfant chez un trans. Noémie Merlant époustouflante

Marie-Castille Mention-Schaar ne craint pas de s’attaquer à des sujets casse-gueule. En 2016, avec Le ciel attendra, elle plongeait au cœur de l’embrigadement islamiste de deux jeunes filles ordinaires. Dans A Good Man,  elle s’inspire d’une histoire vraie pour raconter  celle d’un transsexuel, Benjamin (Noémie Merlant) et Aude (Soko)  Ils s’aiment depuis six ans et ont quitté la Provence pour l’ile bretonne de Groix, une bulle protectrice où ils recommencent leur vie, loin des moqueries et d’une relation maternelle compliquée.

-Un parcours aussi difficile qu'inconnu

Ils rêvent de fonder une famille, mais Aude est stérile. Benjamin, qui n’a pas terminé sa transition, décide de porter l’enfant. Aude s’inquiète, lui rappelant à quel point il (alors Sarah) détestait son corps lors de leur rencontre en boîte de nuit. «Imagine en ce qu’une grossesse lui fera...», lui dit-elle. 

La doctoresse lui rappelle aussi que porter un enfant est considéré comme le symbole de la féminité et que cela peut signifier la négation de sa transition. Ce que réfute Benjamin. Le processus n’est aucunement remis en question et il n’est pas moins l’homme qu’il a voulu devenir parce qu’il a encore son utérus. Pour lui il ne s’agit pas d’un sacrifice mais d’un acte d’amour.  
Tous deux se lancent dans un parcours difficile, inconnu,  une quête extraordinaire que la réalisatrice évoque avec pudeur, sensibilité et empathie. Sortant des clichés, elle montre un  couple somme toute banal, qui va bien, qui travaille, chacun aimant son métier. Elle ne filme pas la transition, mais le désir  profond d’enfant, la volonté d’accès à la paternité pour les transsexuels, la mise en lumière du problème dans une société peu tolérante à laquelle ils doivent se confronter. Les remarquables Soko et Noémie Merlant, par ailleurs méconnaissable et saisissante de justesse en garçon (casting qui a provoqué la polémique, voir ci-dessous),  contribuent très largement à la réussite de ce film prenant, attachant, envoyant valser tabous et préjugés.

.Recherches importantes

Mais encore la démarche exigeait-elle de se documenter sérieusement, comme nous le raconte  la cinéaste, rencontrée à Genève. «J’ai eu envie de réaliser ce film après avoir aidé à la production d’un documentaire,  Coby, de Christian Sonderegger (co-scénariste de A Good Man) sur son demi-frère trans Jacob Hunt. A quelques mois de son hystérectomie, il s’était posé beaucoup de questions,  sa compagne redoutant terriblement la grossesse. Finalement il a abandonné l’idée de porter l’enfant. Mais les nombreuses discussions que nous avons eues m’ont énormément interpelée.  J’ai voulu en savoir  davantage.  Et j’ai découvert que des milliers d’hommes ont porté leur enfant, comme Thomas Beatie, premier homme enceint (trois fois) et du coup ultramédiatisé. Je suis ensuite allée à la rencontre  d’autres trans  qui ont entrepris la même démarche».  

-Le choix de votre interprète était crucial. Dans la communauté trans, on vous reproche  d’avoir confié le rôle à une actrice cisgenre.

Dans le souci de donner la parole aux intéressés-ées, j’ai cherché un comédien idoine, mais j’avais peu de contacts. Et un directeur de casting impliqué dans des projets LGBTIQ+ m’a mis des bâtons dans les roues parce que je ne suis pas une réalisatrice trans. Je me suis débrouillée seule. On m’a présenté quelques acteurs, j’ai procédé à quelques auditions. Par exemple avec Jonas  Ben-Ahmed, dont l’âge correspondait. Mais il s’agit d’une partition énorme qui va bien au-delà du vécu. Il exige du talent, de la technique, de l’expérience. Personne ne correspondait au Benjamin que j’avais en tête, y compris Jonas qui m’a avoué lui-même ne pas se sentir de taille à enfiler un tel costume. Il attendait simplement un rôle et je lui ai écrit un autre personnage.  A cet égard, je tiens à préciser que grâce à A Good Man, on dispose maintenant d’une banque de données où les acteurs-trices trans sont répertorié-ées.

-Et vous avez finalement choisi Noémie Merlant qui est époustouflante. Au point qu’on se demande où elle est dans le premier quart d’heure...

-J’avais déjà collaboré trois fois avec elle. Je n’avais aucun doute sur sa possibilité d’être Benjamin. Je connais sa manière de travailler, de se mettre dans ses personnages, de chercher au plus profond. On avait parlé de ce sujet depuis longtemps et je savais que ça l’intéressait  On a fait des essais physiques pour voir si cela fonctionnait. Il fallait que le public y croie. Elle avait des doutes par rapport à sa voix. Mais je lui ai présenté beaucoup d’hommes trans qui l’ont soutenue, épaulée, légitimée.

-Vous souhaitez atteindre le plus large public possible, emmener les spectateurs vers des horizons qui ne sont pas forcément les leurs.

-C’est vrai. Je participe à ma manière au combat, à la visibilité des trans, Mais ce qui m’intéresse  surtout c’est de raconter des histoires qui vont contribuer à rapprocher les personnes, les forcer à s’interroger sur elles-mêmes, leurs a priori, à découvrir tout d’un coup des choses qui les chamboulent. C’est pour cela que je fais du cinéma.

Un autre sujet délicat à venir?

-Beaucoup moins quand même! Je viens de terminer Divertimeno,  l’histoire d’une jeune fille inspirée de celle de Zahia Ziouni. Elle veut devenir chef d’orchestre avec l’ambition  de rendre la musique classique accessible à tous, dans tous les territoires, en créant un orchestre unique en ce qui concerne sa diversité et sa composition.-

A Good Man à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 10 novembre.

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