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  • Grand écran: "Réveil sur Mars", émouvant portrait de famille sur fond d'étrange énigme médicale

    Dans le village de Horndal, au centre de la Suède, Furkan Demiri et sa famille, réfugiés du Kosovo, sont confrontés à une énigme médicale qui bouleverse leur existence. Les deux aînées, Ibadeta et Djeneta ont sombré dans le coma l’une après l’autre, atteintes du “Syndrome de résignation” lorsque la demande d’asile de leurs parents a été rejetée.

    La cinéaste Dea Gjinovci s’intéresse à cette mystérieuse histoire. Abonnée au New Yorker, elle lit, en avril 2017, un reportage évoquant des enfants terrassés par ce mal singulier en apprenant qu’ils allaient être expulsés de Suède. Le texte est illustré par la photo (ci-dessus) des filles endormies de la famille interwievèe.  Dea est fascinée et bouleversée. Il faut dire que cette affaire et ses protagonistes lui parlent. Née à Genève en 1993 d’un père kosovare et d’une mère albanaise, elle connaît leur culture et les traumatismes provoqués par la guerre. Elle décide donc aussitôt de partir pour la Suède et d’y tourner son documentaire, Réveil sur Mars. 

    Le film débute  par l’image des deux adolescentes alors âgées de 17 et 16 ans, allongées côte à côte dans leur lit. Elles y restent la plupart du temps ou sont transportées dans des fauteuils roulants. Jamais elles ne sortent de leur léthargie que les médecins comparent à l’hibernation des animaux. Suspendue, la vie du père, de la mère et des deux frères cadets tourne autour d’elles. Ils leur accordent une attention constante, à laquelle s'ajoutent l’attente anxieuse de leur réveil et celle de l’obtention du précieux sésame leur garantissant l’asile.  

    Petit à petit, Dea Gjinovci  nous fait pénétrer dans leur intimité, recréant leur univers si particulier, si compliqué, à l'atmosphère pesante, plombée par l'absence.  Elle a toutefois choisi de demeurer dans l’èvocation du "Syndrome de résignation"  dont les premières victimes sont apparues début 2000 en Suède, sans se perdre dans des investigations ou des explications médicales sur ses causes et ses conséquences sociales. Elle privilégie ainsi la métaphore, l’imaginaire, saupoudrés d'un zeste de science-fiction.    

    Mais Dea nous en dit plus elle-même lors d’une rencontre à Genève,  sur ce premier long métrage. Il est né d’un amour du cinéma, découvert à 15 ans avec Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Trois ans plus tard, à Londres, elle tente la fiction, mais sent qu’elle a besoin de davantage de matière pour s’exprimer. Elle fait alors un détour par l’économie, les sciences politiques et l’anthropologie dans le but de  mieux comprendre le monde, puis trouve un entre-deux parfait en se lançant dans le documentaire. Après Sans le Kosovo, un court sur son père exilé en Suisse en 1972. « Réveil sur Mars », émouvant portrait de famille, reflète  également  son besoin humaniste d’être à l’écoute des autres. 

    Comment êtes-vous entrée en contact avec les Demiri ?

    J’ai appelé la médecin qui s’en occupait. Elle n’était pas très encline à m’accepter jusqu’à ce que je lui montre mon court métrage, qui l’a touchée. De mon côté, je devais trouver une bonne manière de communiquer avec eux. Mais comme je parle albanais, très vite il y a eu une véritable connexion et j’ai senti une grande confiance de leur part. Je les ai vus en juillet 2017 pour les premiers repérages et je les ai suivis pendant des semaines, en retournant plusieurs fois en Suède jusqu’en octobre 2019.

    Vous donnez beaucoup d’importance à  Furkan, le petit frère de 10 ans, qui  s’est donné pour mission de construire une fusée devant emmener Ibadeta et Djeneta sur Mars, loin de leurs souffrances. D’où le titre du film. 

    En effet. Triste, déprimé, il représentait de façon intériorisée le vécu de ses sœurs. En même temps, il apporte de l’espoir. C’est en le rencontrant que j’ai développé cette idée de Mars car il voulait devenir astronaute. En récupérant des pièces détachées dans un cimetière de voitures pour réaliser son rêve, c’était pour lui une manière de s’échapper, d’oublier la situation.

    Si le film se termine par la photo de ses héroïnes sorties de leur apathie,  Dea Gjinovci n’a pas assisté à leur réveil à six mois d’intervalle, après cinq ans de coma pour l’une et trois pour l’autre.  Mais elle est retournée en Suède début 2020. «Ibadeta m’a reconnue à ma voix. Je lui ai montré un élément, le décollement de la fusée... »

    La réussite de Réveil sur Mars laisse bien augurer du prochain. Toujours passionnée par la thématique de l’exil, la réalisatrice projette une suite à Sans le Kosovo et tournera dans le village natal de son père en mettant en scène ses souvenirs. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 26 mai.

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  • Grand écran: dans la tête d'un Anthony Hopkins désorienté avec "The Father"

    Oscarisé après avoir décroché le prix du meilleur acteur aux BAFTA,  Anthony Hopkins incarne Anthony, un homme de 81 ans atteint d’Alzheimer dans The Father. Il vit dans seul dans son grand appartement londonien, perdant peu à peu ses repères et sa lucidité sous le regard désarmé de sa fille (Olivia Colman) qui vient le voir quotidiennement, bien qu’il prétende le contraire.  

    Pour ce huis-clos en forme de suspense, version cinématographique impressionnante de sa pièce éponyme, le Français Florian Zeller a obtenu la statuette du scénario adapté. Un prix d’autant plus mérité que si l’histoire est simple, elle se  révèle d'une ingéniosité redoutable dans sa narration volontairement décousue mais toujours contrôlée. 

    Florian Zeller réussit l’exploit de nous mettre dans la tête d’Anthony, retraité vivant apparemment normalement, pour nous permettre de  ressentir  les effets de cette terrifiante:  l’oubli, la perte, la confusion, le sentiment de se retrouver dans un lieu inconnu, la conviction de se faire voler des choses, comme cette montre à laquelle il tient tant, la sensation de vertige et de crainte face à ce qui est vécu comme autant de bouleversements dans un quotidien dont il finit par avoir une perception embrouillée.

    Des performances éblouissantes

    Evitant tout pathos, mêlant des moments de joie et de légèreté au désespoir et à l’angoisse, le réalisateur ne cesse de complexifier son intrigue à coups de répétitions, ou au contraire de changement  de situations, de dates et de personnages, dans le but de créer l’égarement dont est victime son héros, incarné par Anthony Hopkins, l’atout majeur  du film.  

    Après s’être remarquablement glissé dans la peau de Benoît XVI dans Les deux papes, le comédien livre une performance aussi bouleversante qu’éblouissante, se montrant littéralement habité par cet octogénaire désorienté. A ses côtés l’excellente Olivia Colman  e montre à la hauteur, offrant également une partition d’une rare justesse, dans l'expression de son impuissance face au sort inéluctable qui attend son père. Une œuvre poignante à ne manquer sous aucun prétexte.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 mai. 

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  • Grand écran: appel à la tolérance dans "Beyto"

    Fils et apprenti informaticien modèle, excellent nageur, Beyto (Burak Ates) fait la fierté de ses parents. Mais il a un secret, son attirance pour les hommes. Et le monde de ces immigrés turcs en Suisse s’écroule quand ils apprennent que leur rejeton est tombé amoureux de Mike, son entraîneur (Dimitri Stapfer). Incapables de faire face à la honte et à la stigmatisation d’une communauté très attachée aux traditions d’une société hétéronormative, ils décident d’emmener Beyto dans leur village natal et de le marier à son insu à Seher (Beren Tuna), son amie d’enfance. Histoire de le remettre dans le droit chemin. 

    Bien que furieux en découvrant le but de ce voyage, Beyto  obéit à papa-maman pour leur éviter l’humiliation. Mais, de retour en Suisse, il n’a pas l’intention de renoncer à Mike. En même temps, il ne peut abandonner Seher, bien décidée à s’émanciper elle aussi. Confronté à un dilemme cornélien, Beyto se retrouve piégé dans un ménage à trois qu’il va devoir réinventer. 

    L’amour triomphe donc des traditions dans le film de la Zurichoise Gitta Gsell. Plébiscité par le public aux dernières journées de Soleure, il est adapté d’un livre du Turc et Helvète d’adoption Yusuf Yesilköz, avec qui elle a écrit le scénario. Elle confronte deux univers et deux cultures, tout en alliant l’immigration à l’homosexualité. Un défi risqué où elle n’évite pas les clichés et les situations parodiques. On retiendra principalement  l’appel à la tolérance et le ton résolument optimiste dans l’histoire bienveillante de ce garçon forcé de choisir entre le soutien de sa famille et sa propre identité.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès le 26 mai.

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