Cinéaste du temps et des mutations dans sa Chine natale, Jia Zhangke déroule à nouveau ses thèmes préférés dans Les Eternels. A la fois fresque politique, polar noir, mélodrame mafieux et romance sociale, son douzième long métrage se déroule en trois chapitres, pour illustrer des changements d’époque.
En 2001, la jeune Qiao, jolie danseuse venue de la campagne tombe follement amoureuse de Bin, petit parrain de la pègre locale de Datong, dans la province du Shanxi. Alors que Bin est attaqué par une bande rivale de jeunes avides de pouvoir, Qiao, prête à se sacrifier pour lui, prend sa défense et tire plusieurs coups de feu. Elle est condamnée à cinq ans de prison. Bin l’abandonne lâchement.
A sa sortie, Qiao, dont l’amour pour Bin dure envers et contre tout, traverse le pays à sa recherche et tente de renouer avec lui. Mais il refuse de la suivre. Dix ans plus tard Qiao, toujours célibataire, a réussi sa vie en restant fidèle aux valeurs du gang. De son côté Bin, usé par les épreuves, revient penaud pour la retrouver. Un dernier volet illustré par une sorte de retournement féministe des rapports de force.
La romance contrariée entre les deux protagonistes sert de prétexte à Jia Zhangke pour opposer symboliquement deux sociétés dans une Chine tourmentée, l’une traditionnelle incarnée par Qiao et l’autre, néolibérale représentée par Bin.
Entre passion indestructible, trahison, sacrifice et résilience, passant de la fermeture des mines du coin à la modernisation radicale de l’économie, le réalisateur brosse ainsi le portrait d’une amoureuse déçue et celui d’une Chine en pleine mutation économique, gagnée par le capitalisme. Un beau film émouvant, ambitieux et un rien longuet, qui vaut surtout par la magnifique prestation de la lumineuse Zhao Tao, épouse et égérie du cinéaste.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 17 avril.