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Grand écran: "Shape Water", variation sexy sur la Belle et la Bête plus prometteuse que convaincante

screen-shot-2017-09-14-at-10-06-09-am.pngFemme de ménage dans un laboratoire gouvernemental américain ultrasecret confiné en sous-sol, Elisa mène une existence solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Son morne quotidien bascule lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres…

On est en pleine guerre froide. Le colonel Strickland, ambitieux, réactionnaire, sadique, (Michael Shannon), débarque avec son étrange prisonnier. Il s’agit d’une créature humanoïde aquatique capturée dans un fleuve d’Amérique du Sud et enfermée dans un caisson. Dotée de pouvoirs extraordinaires, c’est une arme contre les Soviétiques. Mais la façon cruelle dont est traité l’homme-poisson dans cet univers brutal où le sang coule, désole et révolte la douce Elisa (Sally Hawkins excellente) décidée à lui venir en aide.

Moins craintive qu’on pourrait l’imaginer, elle entre rapidement en contact avec l’amphibien certes visqueux, pourvu de branchies, à l’épiderme phosphorescent, mais bien bâti. Elle l’apprivoise et lui donne des œufs à manger. Séduite autant qu’émue et altruiste, elle se lance alors dans une dangereuse opération de de sauvetage, aidée d’un voisin homosexuel et chômeur, une collègue noire et un espion russe.

L’auteur livre ainsi un drôle d’objet cinématographique en forme de conte d’époque baroque surnaturel, plus prometteur que réellement convaincant. Il s’amuse à y multiplier les emprunts et les clins d’œil (Jean-Pierre Jeunet s’estimant volé de bouts de Delicatessen et d’Amélie Poulain l’a plutôt accusé de plagiat), à pasticher les films sur la guerre froide, à rendre hommage au cinéma fantastique, notamment L’étrange créature du lac noir, de Jack Arnold.

A la frontière des genres

Un film donc à la frontière des genres où Guillermo del Toro surfe sur le sexe, le machisme et le racisme. Mais à force de mélanger les films de monstre, les films noirs, d’espionnage, la comédie musicale, la série B, la romance, il propose un scénario tarabiscoté et perd de vue le vrai sujet dans cette variation un rien sexy de la Belle et la Bête. Une bête qu’humanise Doug Jones. 

Au lieu de développer la relation amoureuse aussi insolite que charnelle entre ces deux êtres si dissemblables, l’auteur la réduit à quelques scènes poétiques et émouvantes, la noyant dans des scènes d’action violentes et le suspense larvé. Comme s’il craignait de choquer par sa folle audace consistant à prôner une passion inavouable.  En ce sens, il édulcore la portée de son ode à la différence dans une Amérique qui n’a pas changé en dépit de ses promesses d’alors, son plaidoyer pour l’acceptation de l’autre quel qu’il soit, laissé pour compte, gay, noir, handicapé, voire monstre, emblème définitif.

Reste que l’oeuvre jouit d’une excellente critique des deux côtés de l’Atlantique. Par ailleurs, lauréat du Lion d'Or au Festival de Venise 2017, Shape Water a récolté 2 Golden Globes (ceux du meilleur réalisateur et de la meilleure bande originale) ainsi que 13 nominations aux Oscars. Ceci explique peut-être cela.

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 février.

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