Nous sommes en 1864 et la guerre de Sécession fait rage. Le caporal McBurney, un nordiste déserteur grièvement blessé à une jambe trouve refuge dans un pensionnat de vertueuses jeunes filles en Virginie, tenu par la pieuse et puritaine Miss Martha Farnsworth. Loup dans la bergerie, à la fois prédateur, manipulateur, romantique, il devient bientôt l’objet des fantasmes des recluses corsetées physiquement et psychologiquement qui se lâchent et se mettent à jouer les séductrices perverses…
C’est du moins ce dont Sofia Coppola veut nous convaincre dans Les proies. Pourtant, en dépit d’une belle photographie, de jolis costumes (son péché mignon), cette nouvelle version se révèle d’un intérêt mineur. Le casting, pourtant prestigieux (Colin Farrell, Kirsten Dunst, Elle Fanning, Nicole Kidman), n’arrange pas vraiment les choses. Au contraire dira-t-on, surtout dans le choix du personnage masculin, Farrell étant hélas très loin d’avoir le charisme du sulfureux Eastwood, obscur objet de la concupiscence de ces femmes.
Trop lisse et trop sage Sofia Coppola ne nous laisse guère éprouver la tension extrême ambiante, l’irruption sauvage du désir, la peur du yankee, la jalousie, la frustration sexuelle, qui donnaient le côté équivoque, dérangeant, vénéneux de l’original. Un chef d’oeuvre du genre, tiré du roman éponyme de l’écrivain Thomas Cullinan que Don Siegel avait adapté en 1971, avec Clint Eastwood dans le rôle titre.
«Deux facettes d’une même intrigue»
Tout en respectant assez fidèlement sa trame, Sofia Coppola, qui au passage avoue aimer les petits budgets pour ne pas se voir imposer des choses, se défend d’avoir eu l’intention de réaliser un remake. Elle ne ressentait pas comme un défi de revisiter le film de Siegel. «Au contraire, j’ai voulu l’oublier. Pour moi, ce sont deux facettes d’une même intrigue », déclarait-elle lors de sa conférence de presse à Cannes, où son septième long-métrage prétendait à la Palme d’or
Quand on lui a proposé le sujet, elle a lu le livre, réfléchi à une autre manière de raconter cette histoire. «Je me suis plongée dans cette époque, j’ai cherché un lien avec la réalité d’alors tout en gardant ma liberté artistique. Et je me suis dit que j’allais faire quelque chose de différent, d’amusant et de juteux, en partant du point de vue des femmes.
«C’est intéressant d’en avoir sept représentantes d’âges différents », ajoute-t-elle. J’ai tenté de montrer leurs rapports, leur façon de se comporter de se parler. Pendant la guerre, elles sont enfermées, isolées, coupées du monde et ont développé un instinct de survie. Quand le caporal débarque, il gâche tout. Elles donnent alors libre cours à leur agressivité et entament une lutte de pouvoir avec cet homme ».
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 août.