Vingt-cinq ans après La Discrète, Christian Vincent, féru de Simenon, retrouve Fabrice Luchini pour en faire un président de cour d’assises à la fois aigri et amoureux. On est dans le nord de la France. Redouté, dur, exigeant, Miichel Racine souffre d’une grosse grippe qui le rend encore plus antipathique que d’ordinaire. Il doit pourtant présider le procès d’un jeune homme accusé d’avoir tué sa fille de sept ans et qui crie son innocence.
Alors que les noms des jurés sortent les uns après les autres, Racine remarque parmi eux une femme qu’il a aimée et qu’il n’a jamais oubliée. Au film à procès se mêle ainsi une sous-intrigue romantique révélant la part sensible de cet homme inflexible où l’excellente Sidse Babett Knudsen, vedette de la série politique danoise Borgen donne la réplique à Fabrice Luchini (photo), remarquable de retenue et de sobriété en magistrat austère, maniaque, désagréable, solitaire et moqué de tous qui revient en quelque sorte à la vie.
Sortant de sa propension à vouloir amuser la galerie, son interprétation lui a valu d’être sacré meilleur acteur à la Mostra de Venise, tandis que son réalisateur obtenait le prix du scénario. Un triomphe que Christian Vincent (photo ci-dessous) de passage à Genève qualifie de complètement inattendu. "Etre sélectionné, c’est déjà incroyable. D’autant que je n’avais pas été retenu à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et que le jury était composé de gens que j’admire".
Ce président de tribunal, c’était du sur mesure pour Luchini.
Absolument. J’avais envie de retravailler avec lui et je le voyais bien en robe rouge. Par ailleurs il était passionné par le sujet. Il a par exemple fait une chose inédite pour lui. Il a passé une demi-journée aux Assises. Et là, il a vu en quoi son rôle consistait vraiment. .
Comment avez-vous choisi Sidse Babett Knudsen? Une belle surprise.
En effet. Elle n’avait jamais tourné en France. Il me fallait une femme de 45 ans. Mais en écrivant le scénario, j’étais un peu perdu. Et puis j’ai vu la troisième saison de la série et j’ai découvert qu’elle parlait couramment le français. Elle avait été jeune fille au pair.
Vous traitez deux thèmes à la fois dans "L'Hermine". On prétend qu’il est dangereux de courir deux lièvres à la fois.
Je dirais même trois. Je brosse le portrait intime de cet homme amer, grippé, désirant être ailleurs et trouvant un peu d’amour, tout en devant intéresser le spectateur au procès de ce garçon accusé d’infanticide et en me penchant sur les problèmes du jury, un personnage à part entière. Il faut que tout s’imbrique et j’ai fait de mon mieux pour y parvenir. Avec mon monteur, on ne savait pas si ça marcherait..
Les débats entre les jurés laissent un peu penser à ceux de "Douze hommes en colère". Vous êtes-vous inspiré du film de Sidney Lumet?
Non. En réalité, je ne connaissais rien à la justice et j'ai découvert beaucoup de choses. J’essaye de faire des films sans a priori et là, j’ai découvert une institution qui m’a épaté. Si d’une manière ou d’une autre je peux en faire profiter les gens, réhabiliter les magistrats, les présidents de cour d’assises, c’est bien. C’est de l’ordre de la démocratie. Ma démarche tient du didactisme. J’aime les vertus pédagogiques. Et là, je parle aussi de mon pays.
On aura l’occasion de retrouver Christian Vincent dans un autre registre. Il est en train d’écrire un scénario qui mettra en scène une jeune Marocaine ayant le malheur de trop plaire aux hommes.
A l'affiche dans les salles de Suiisse romande dès mercredi 18 novembre.