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Cinéma: "Leviathan", tableau implacable d'une Russie minée par la corruption

leviathan1[1].jpgUne Russie minée par la corruption, des gens désespérés broyés par la machine étatique. A  l’image de Kolia, un garagiste aspirant à mener une vie sans histoire entre sa femme et son fils d’un précédent mariage, mais dont l’existence est menacée par l’odieux maire du village qui le dépouille, lui prenant son terrain, son garage, sa maison. Prêt à tout, Kolia entreprend un combat illusoire pour tenter de récupérer ses biens.

Avec Leviathan, son quatrième long-métrage, le réalisateur Andrey Zvyagintsev dresse un tableau implacable, glacial d’un pays malade, révélant un quotidien sombre, où règnent en maîtres le chantage, les menaces et la violence physique contre des individus qui refusent de plier devant l’autorité.

Un tragique mêlé d'humour

Un pessimisme qui, même si le tragique l’emporte dans cette comédie sociale noire en forme de thriller mâtiné de parabole biblique, n’empêche pas un humour corrosif au fil de scènes parfois jubilatoires, où les habitants noient leur désespoir dans des litres de vodka.

Dans une première partie particulièrement intense, le réalisateur, se livrant à la critique du régime de Poutine, touche à l’universel en dénonçant les régimes gangrénés par l’argent et qui méprisent les peuples. Dommage qu’il se perde ensuite dans une histoire confuse d’adultère. Un reproche relativement mineur, face à l’excellente mise en scène, une brillante interprétation et l’imposante beauté de ce paysage du nord de la Russie. 

images[4].jpg"Mon pays est magnifique"

De passage à Genève, Andrey Zvyagntsev parle avec passion de ce film qui lui a valu le Prix du scénario au dernier Festival de Cannes. Il dément avoir voulu montrer une Russie malade. "Mon pays est magnifique. Mais parfois on a moins de chance et des difficultés".

"Leviathan est un miroir réaliste de ce qui se passe, même si je force un peu le trait. L’idée m'est venue d’un fait divers qui s’est déroulé en Amérique, dans le Colorado. Un homme simple a été confronté à l’Etat. Victime d’une injustice, il a été humilié par le pouvoir et a répondu en se révoltant".

-Votre film représente le lien conflictuel que l’individu noue avec l’Etat tout puissant. Un monstre nécessaire?

-Oui, sinon on revient aux cavernes, aux cannibales.

-Vous n'accusez pas moins l’omniprésence d’une classe politique aux méthodes mafieuses, une justice aux ordres, une Eglise avide de pouvoir.

-Il y a malheureusement des gens qui alimentent ce système, pour qui la situation est très confortable. Quand un fonctionnaire  me demande pourquoi je tourne des films aussi noirs, je lui dis que je ne créée pas  l’image. Je ne fais que refléter ce qui existe.

-Vous portez aussi un regard sans indulgence et sans pitié sur vos compatriotes.

La vérité fait mal aux yeux. La pilule est amère et on n’a pas envie de l’avaler. Toutefois, elle apporte la guérison. L’humain a besoin de voir la vie telle qu’elle est.

-Ils sont le plus souvent ivres, noyant leur mal-être dans la vodka. Est-ce une sorte de passeport pour l’oubli ?

-Je pense que les Français boivent autant que les Russes. Les Suisses aussi peut-être… Un passeport pour L‘oubli ? Pourquoi pas ? Que voulez-vous faire d’autre dans certaines situations ?

-En même temps, les Russes sont des êtres fiers.

-C’est vrai, mais il s’agit d’une fierté irréfléchie, irrationnelle instinctive. Certains sont par exemple enchantés des sanctions européennes. Vous ne voulez pas nous livrer du fromage de chèvre ? Très bien, on vous coupe le gaz. On va survivre sans vous. 

-Il y a cette longue scène où la maison de Kolia est entièrement détruite. Une métaphore, un symbole que ce saccage? 

-Non. C’est juste un fait. Toute une vie est passée dans cette maison. Il y a eu beaucoup de vodka, beaucoup de larmes, beaucoup d’amour Et tout d’un coup il n’y a plus rien. En même temps on pourrait voir cela comme une ouverture sur autre chose.

-Un nouveau film?

-Oui, bien sûr. Le cinéma, c’est ma vie. Sans lui, je ne peux tout simplement pas exister.

Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 septembre.

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