A 18 ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant la jeune et ambitieuse Sigrid au charme trouble, qui pousse au suicide Helena, une femme mûre. Vingt ans plus tard, elle se voit proposer une reprise de la pièce mais cette fois dans le rôle d’Helena
En jouant une comédienne, Juliette vit ainsi sa réalité d’actrice dans Sils Maria, qui est aussi ce petit village des Grisons où auteurs, dramaturges, cinéastes ou philosophes sont venus chercher le calme et l’inspiration.
Olivier Assayas confronte Maria à son passé sur fond de théâtre, prétexte à une réflexion sur cet art et la façon dont le cinéma peut en capter la spécificité, mais savant tout à un brassage de thèmes: le temps qui s’écoule, le métier et la condition de l’actrice face à l’obsession de la jeunesse, à la concurrence de petites nouvelles avides de percer dans le monde impitoyable du spectacle.
Dans ce jeu de miroir, il évoque aussi les rapports ambigus et compliqués entre Maria, star quinquagénaire (Juliette Binoche) et Valentine (Kristen Stewart) son assistante à la fois complice et confidente de ses doutes, de ses craintes. Pour compléter le duo, il y a Jo-Ann (Chloé Grace Moretz), la débutante qui doit reprendre le rôle créé par Maria.
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Plusieurs niveaux de lecture
Olivier Assayas se plait à brouiller les pistes dans cet opus à plusieurs niveaux de lecture, où fiction et réalité s’entrecroisent, mêlant le destin de ses héroïnes et des comédiennes qui les interprètent. Tout cela dans des paysages grandioses qu’envahit peu à peu le fameux serpent de la Maloja.
Après avoir divisé la critique et manqué de séduire le jury cannois, Sils Maria est aujourd’hui le plus souvent encensé comme le meilleur d’Assayas. «Saisissant de beauté», « Aussi vertigineux que les montagnes de Sils Maria»... C’est un rien exagéré pour un opus certes habile et élégant, mais aussi assez pesant, démonstratif, référentiel et cérébral.
Renvoyant à Persona de Bergman, All About Eve, le chef d’oeuvre de Mankiewitz, il vaut plus pour les intentions du réalisateur que pour ce qu’on voit. Et pour ses protagonistes. A relever surtout, aux côtés de Juliette Binoche très diva, l’excellente prestation de Kristen Stewart, à contre-emploi en assistante intello à grosses lunettes.
La création d'un personnage permet de rire de soi
A Cannes en mai dernier et très récemment à Locarno où Sils Maria a eu les honneurs de la Piazza Grande, Juliette Binoche est venue en parler. Pour elle c’était magnifique de voir le travail d’Olivier Assayas. Tous deux s’étaient rencontrés il y a 30 ans sur Rendez-vous qu’il avait écrit avec André Téchiné et dont elle était la tête d’affiche.
«Etre une actrice c’est se donner sans filet. Créer quelqu’un est amusant, on peut rire de soi, mais en réalité on n’est jamais le personnage», remarque-t-elle. «On doit croire qu’on l’est, établir un lien entre lui et soi-même. Ce qui m’a surtout touchée dans mon rôle, c’est qu’il montre et c’est rare, ce que ça peut coûter de jouer. Cela me permettait de voir la maturation avec les craintes que l’on traverse et le lâcher prise face à elles ». .
Et que pense-t-elle du tournage dans les montagnes suisses ? «A partir du moment où on s’isole autant le faire dans un lieu cinématographique. Le paysage est un également im personnage du film. Ce que j’ai aimé à Sils Maria c’est que ce village est habité par des fantômes, par des choses qui font peur»
Film à l'affiche dans les salles romandes dès mercredi 27 août.