Après le virtuose Carnage où s’affrontaient deux couples de bobos au bord de la crise de nerfs dans un appartement newyorkais, Roman Polanski privilégie à nouveau le huis-clos avec La Vénus à la fourrure. Son dernier film fondé sur la mise en abyme, est adapté de la pièce éponyme de David Ives, elle-même inspirée du roman de Leopold von Sacher-Masoch.
Sur une musique d’Alexandre Desplat, l’intrigue se déroule dans un théâtre parisien désert que Thomas, fatigué d’auditionner de mauvaises comédiennes s’apprête à quitter, quand l’en empêche Vanda, soudain surgie tel un ouragan.
Arrivée en retard, trempée comme une soupe, trop maquillée, délurée, grossière, elle incarne tout ce que Thomas, intello misogyne, déteste. En bref une grosse erreur de casting pour le caractère principal qu'il recherche. Mais Thomas, séduit malgré lui, la laisse pourtant tenter sa chance. Et comme prévu on découvre petit à petit qu'il ne faut surtout pas se fier aux apparences, Vanda se métamorphosant sous ses yeux et les nôtres en une femme très cultivée.
Non seulement, elle connaît les grands auteurs, mais saisit parfaitement le personnage qu’on lui demande d’interpréter et sait son texte sur le bout des doigts. Complètement tourneboulé, Thomas passe de l’attraction à l’obsession. Sinon à la sidération. D’autant que la créature aux faux airs de marchande de poisson révèle un corps de rêve.
Une réflexion sur le pouvoir
Avec ce face à face sadomaso à la fois sulfureux, drôle souvent jubilatoire où les rapports de force s’inversent, Polanski le manipulateur propose une réflexion sur le pouvoir. Au départ c’est le metteur en scène hautain qui le détient, mais au fur et à mesure de l’intrigue, c’est la comédienne, d’abord humiliée, qui le prend. Avec une jouissance en forme de petite revanche sur la vraie vie pour Emmanuelle Seigner (photo) qui partage l’affiche avec Mathieu Amalric. Et qui lançait à Cannes où le film figurait en compétition: "Le sadomasochisme je connais, je travaille au théâtre! ".
Et puisqu’on parle des protagonistes, le réalisateur leur doit évidemment la réussite de cette relecture critique et féministe au dispositif brillant et à la mise en scène impeccable. Excellente, Emmanuelle Seigner est craquante avec sa façon unique de passer de la plus grande vulgarité à la sensualité torride.
Offrant une grande ressemblance physique avec Polanski, Mathieu Amalric est parfait dans son rôle de metteur en scène énervé et d’une rare prétention, passant à l’insu de son plein gré du dominant au dominé.
Film à l’affiche dans les salles romandes dès mercredi 27 novembre.