En 1998, le Danois Thomas Vinterberg, l’un des signataires avec Lars Von Trier du fameux Dogme, faisait irruption en compétition à Cannes avec Festen, où il révélait le passé pédophile d’un père écoeurant en plein dîner de famille. Il revenait en mai dernier avec La chasse (Jagten) où se penchant à nouveau sur la pédophilie, il raconte la descente aux enfers d’un homme innocent du crime dont on l’accuse.
Lucas, un quadra séduisant luttant pour voir davantage son fils Marcus après un divorce difficile, a noué une nouvelle relation et trouvé un boulot d'éducateur dans une école maternelle où les enfants l’adorent. Et puis un jour, c’est le drame. La fille de son meilleur ami, une gamine de 5 ans au visage d’ange, perturbée par des images pornos que lui a montrées son frère aîné, raconte à la directrice que Lucas s’est exhibé devant elle.
Le mensonge se propage comme un virus par la faute d’autres enfants, poussés par des parents irresponsables à s’avouer eux aussi victimes d’attouchements. Malgré leurs récits fumeux et surtout les vigoureuses dénégations de Lucas, la chasse s’organise. C’est la curée. De traqueur de gibier à ses heures avec ses copains, l'éducateur interprété par le remarquable Mads Mikkelsen (photo), sacré à meilleur acteur sur la Croisette, est devenu la proie d’une communauté hystérique.
Ce drame noir qui se déroule pendant les fêtes de Noël, se révèle moins percutant que Festen. Mais à la fois consensuel et peu original, il n’en analyse pas moins avec pertinence et vraisemblance le redoutable comportement grégaire du groupe, à qui de vagues rumeurs suffisent pour se transformer en implacable meute prête à déchiqueter l’animal blessé.
Ma Nouvelle Héloïse, encore un hommage à Rousseau
Pour ses 300 ans, le grand Jean-Jacques n’en finit plus d’alimenter la création artistique. A son tour, Francis Reusser lui rend hommage avec Ma Nouvelle Héloïse. Un riche mécène japonais, amoureux de Rousseau, propose au réalisateur Dan Servet de tourner une version filmée du roman épistolaire de l’écrivain philosophe.
Servet réunit alors trois jeunes acteurs pour un atelier cinéma dans un palace désaffecté au-dessus de Clarens pour mettre en images la passion de Julie, St Preux et Claire, qui va rapidement influencer les personnages contemporains.
Les comédiens lisent bien leur texte et sont jolis, à l'image de la délicate Mali Van Valenberg. Mais quelques belles pages de Rousseau et une défense de la pellicule ne suffisent pas à donner de la chair à un film qui se veut gracieux, érudit et littéraire, mais agace souvent par son côté artificiellement ludique, affecté et poseur.
Shanghaï, Shimen Road, évoque une jeunesse perdue dans la mégapole
Xiaoli, 16 ans, dont la mère a émigré aux Etats-Unis vit avec son grand-père dans un vieux quartier de Shangaï. Sa meilleure amie, Lanmi, travaille dans une usine. Elle est un peu plus âgée et Xiaoli souffre bientôt de la voir s’éloigner de lui, attirée par les possibilités qu’offre une Chine commençant à s’ouvrir à la culture occidentale en cette fin des années 80.
Il se rapproche alors de Lili, sa camarade de classe, une jeune fille dynamique qui veut l’emmener à Pékin où se déroulent sur la place Tian’anmen les manifestations de 1989, déclenchées par des étudiants, des intellectuels et des ouvriers qui dénoncent la corruption et demandent des réformes politiques.
Xialoli ne se rendra pas à Pékin, mais la contestation qui s’étend aux grandes villes, gagne Shanghaï, forçant le jeune garçon à grandir. Le film de Shu Haolun, générationnel et initiatique, évoque une jeunesse troublée, à l’avenir incertain, perdue dans une ville gigantesque, tentaculaire et tentant de trouver sa propre voie. L’excellente interprétation des comédiens contribue largement à la réussite de l’opus.
Films à l’affiche dans les villes romandes dès mercredi 14 novembre.