Trois ans après Un prophète, qui lui avait valu le Grand Prix du jury, Jacques Audiard revient sur la Croisette avec De rouille et d’os. Une histoire puisée dans un recueil de nouvelles du Canadien Craid Davidson où on croise deux cabossés de la vie, dont Marion Cotillard, en infirme bluffante.
Très casse-gueule, le sujet. Imaginez la rencontre improbable, dans une boîte de nuit du sud de la France, entre Stéphanie, belle jeune femme dresseuse d’orques et Ali, boxeur de rue déjeté, sans le sou, engagé comme videur. Il la tire d’une bagarre et la raccompagne. Mais elle le prend de haut.
Un peu plus tard, elle le rappelle. Les choses ont changé. Elle est amputée des deux jambes à la suite d’un accident dans un parc aquatique. Quant à lui, handicapé du langage, pourvu d’un môme de cinq ans, il se fait massacrer dans des combats clandestins pour gagner quelques sous. Et ces deux cabossés de la vie, tentant chacun de s’extraire de leur condition difficile, vont tenter de renaître à travers une histoire d’amour.
On imagine du coup la romance pleine de bons sentiments à faire sangloter dans les chaumières. Mais Jacques Audiard, sans atteindre l’excellence du Prophète, même si la presse hexagonale en fait déjà à l’un des sérieux prétendants à la Palme d’Or, en profite pour revisiter brutalement le genre. Et propose un mélo eliptique, à la fois trash, noir et cru sur fond de drame social actuel plus esquissé qu'approfondi.
Sa réussite tient surtout à l’interprétation des deux protagonistes principaux. Beauté ravagée et spectaculairement estropiée par les effets spéciaux, Marion Cotillard se montre particulièrement convaincante dans son fauteuil roulant.
A l’entendre à la conférence de presse, ce n’était cependant pas gagné. "En lisant le scénario, j’étais à la fois bouleversée et excitée. Sauf que quand je découvre une histoire qui va me toucher, j’ai une compréhension immédiate du personnage que je vais interpréter. En revanche, avec Stéphanie , je suis arrivée à la fin et je ne savais pas du tout qui elle était. J’ai craint de ne pas être à la hauteur. J’en ai alors parlé avec Jacques qui m’a rassurée, ne me disant qu’il ne savait pas non plus… »
Matthias Schoenaerts en armoire à glace fascinante de puissance physique se révèle lui aussi très crédible. Le jeune comédien flamand, belle gueule à la Ryan Gosling mais en plus costaud, a été découvert il y a quelques mois dans le film de gangster coup de poing Bullhead. Sa carrière s’annonce brillante. Avec pourquoi pas des propositions du côté de Hollywood…
Le film est dès aujourd’hui à l’affiche dans les salles romandes