Révélés en 1996 à la Quinzaine des réalisateurs avec La promesse qui racontait l’histoire d’un père exploitant des clandestins et obligeant son fils à tremper dans ses combines, les frères Dardenne se retrouvent pour la quatrième fois en compétition sur la Croisette avec Le gamin au vélo. Un nouveau bijou qui pourrait leur valoir, un inédit à Cannes, une troisième Palme d’Or après celles décrochées pour Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2006.
Continuant à explorer un contexte social tendu dans une Belgique sinistrée et préoccupés par la relation au père, les Dardenne suivent cette fois Cyril, un écorché vif de 12 ans, que son géniteur, n’en voulant momentanément plus, a placé dans un foyer.
Déterminé à le retrouver, Cyril parcourt la cité à bicyclette et tombe par hasard sur Samantha, propriétaire d’un salon de coiffure. Touchée par la souffrance de ce gosse en rupture, prisonnier de sa violence, elle lui propose de venir chez elle le week-end pour l’aider à s’en sortir. Ils font ensemble un bout de route dans un film parfait, sans pathos, mièvrerie ou bons sentiments. Même si les auteurs se montrent un peu plus optimistes que dans les précédents.
A leur habitude, ils excellent dans la direction d’acteurs et ont déniché une nouvelle pépite avec le jeune Thomas Doret, un comédien né qui donne la réplique à Cécile de France. Elle avoue avoir volontiers renoncé à ses tics d’actrice et à son ego pour se mettre au service de l’histoire.
Guédiguian applaudi par José Bovet et Nanni Moretti
Dans le genre militant, Robert Guédiguian présentait hors concours Les neiges du Kilimandjaro. Se déroulant comme son titre ne l’indique pas, dans le quartier marseillais de l’Estaque, cette chronique sociale a été frénétiquement applaudie par José Bovet et Nanni Moretti invités à l,a projection.
Pour le réalisateur, c’est l’occasion de retourner sur les lieux de sa naissance, de retrouver les «pauvres gens», référence à un poème de Victor Hugo, qui y habitent. Il en profite pour faire le pointt, à la faveur d’une brutale agression, sur le monde d’aujourd’hui et le déclassement d’une génération qui vivra moins bien que ses parents.
Un film généreux où se côtoie bonne et mauvaise consciences de gauche, mais qui, mêlant comédiens du sud et du nord, pêche dans l’interprétation Notamment de la part de Jan-Pierre Daroussin, Un comble quand même.
Un pédophile divise les festivaliers
Plus tôt dans la journée, l’Autrichien Markus Schleinzer a divisé les festivaliers avec un premier film. Candidat à la palme, il raconte les cinq derniers mois de la vie commune entre Wolfgang, dix ans et Michael, 35 ans, qui le séquestre dans sa cave. On pense évidemment tout de suite au calvaire de Natacha Kampusch, mais le cinéaste affirme avoir refusé de s’inspirer de ce genre d’affaire. Reste que le décor et l’histoire sont très proches.
Directeur de casting de son compatriote Michael Haneke, Schleinzer livre un film qui provoque le malaise dans la mesure où il adopte le point de vue du pédophile, un célibataire taiseux, apprécié dans son travail et estimé par ses proches. Plutôt normal en somme.
Banalisant le mal qui rôde sans que rien ne le laisse soupçonner, le film dérange aussi dans son approche du lien entre l’homme et l’enfant. Heureusement, il ne dérape jamais, l’auteur se contentant de suggérer, sans jamais rien montrer. Ce qui lui a valu des commentaires allant de putasserie à chef d’oeuvre. Une exagération dans les deux sens.
Dujardin joue son Jean Kelly…
On change complètement de style avec The Artist, film muet en noir et blanc signé de Michel Hazanavicius, l’auteur des OSS 117. Il est interprété par son acteur fétiche Jean Dujardin, mélange pour l’occasion de Gene Kelly et Rudolf Valentino et la ravissante Bérénice Béjo, qui s’est inspirée de Gloria Swanson, Marlene Dietrich et Joan Crawford.
C’est l’histoire de George Valentin, une star du muet victime de l’avènement du parlant, tandis que Pepy Miller, simple figurante, atteint elle les sommets de la gloire. Un mélodrame irrésistible qui colle au format du muet avec un contrepoint humoristique.
On ne tombe jamais dans la caricature avec cet hommage glamour aussi divertissant que réussi, nourri de Murnau, Borzage, Browning, Lang. Tandis que qu’Hazanavicius déclare son amour au cinéma, ses deux comédiens principaux se sont à à l'évidence follement amusés, terminant sur un brillant numéro de claquettes. Une initiative de Jean Dujardin, pris à son propre piège. Pour notre plus grand bonheur.
Johnny Depp et Penelope Cruz provoquent la cohue
Quelques mots encore sur les deus superstars qui ont ouvert le week-end, provoquant la cohue sur la Croisette. Et deux heures d’attente, montre en mains pour le journaliste inconditionnel et moyennement badgé, avide de décrocher un siège à la conférence de presse de Johnny Depp et Penelope Cruz.
Tout ça pour recueillir quelques augustes paroles à propos de la quatrième resucée de Pirates des Caraïbes où le célèbre capitaine Jack Sparrow, de plus en plus curieusement précieux et maniéré pour un séducteur invétéré, affronte la affronte la redoutable Angelica sur la route semée d’embûches de la légendaire fontaine de jouvence. Le tout évidemment en 3 d plus inutile que jamais. Mais il y en a qui trouvent ça tellement plus beau!