« Il a perdu les pédales… Cette fois, il a franchi la limite… Il faut être un pervers pour aimer ça…L’art n’excuse pas tout… » Il flottait comme une odeur de scandale à l’issue de la projection d’ «Antichrist », pendant laquelle les rires nerveux le disputaient aux sifflets. Ce qui n’empêche pas certains de crier au chef-d’œuvre, évidemment. Ca aurait pu être le cas d’ailleurs, un sublime prologue ouvrant l’œuvre divisée en chapitres. Avec des gros plans au ralenti et en noir et blanc sur un couple (Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe, uniques protagonistes ) faisant l’amour. Et puis, alors qu’ils atteignent la jouissance, leur enfant tombe par la fenêtre.
La femme est folle de douleur et le couple en deuil, déchiré, met le cap sur un chalet isolé pour tenter de se ressouder. Commence alors un long voyage vers l’horreur où Willem, thérapeute, veut aider Charlotte à se reconstruire psychologiquement. Mais les choses ne font qu’empirer. Avide de sexe et de violence, elle transforme peu à peu sa souffrance en haine pour son mari.
D’abord elle lui transperce une jambe à la chignole, tente de l’enterrer vivant, puis va jusqu’à le castrer avant de s’infliger une excision. Scènes à la fois extrêmes, insoutenables, douteuses et grotesques. Elle finira sur le bûcher. On a en effet compris avant, au gré d’une dissertation longuette et ennuyeuse sur le Bien et le Mal, que dans le fond, la femme est le diable.
Dans ses notes d’intention, Lars von Trier dit avoir écrit le scénario pour s’entraîner, au sortir d’une grave dépression il y a deux ans. « C’était une thérapie, une recherche pour voir si je pourrais encore faire un film » Il affirme aussi qu’il n’a aucune excuse à fournir pour Antichrist », preuve qu’il s’imaginait qu’on lui en demanderait. Agressé verbalement par un journaliste furieux à la conférence de presse, le pressant d’expliquer le pourquoi du comment, le réalisateur refuse, préférant jouer au zouave, racontant un peu n’importe quoi, à son habitude
« Je ne vois pas pourquoi je devrais me justifier.
Je travaille pour moi pas pour le public. En plus je n’ai jamais le choix. C’est Dieu qui dicte et je suis le meilleur réalisateur du monde. Tous les autres sont surestimés. Ce sentiment que je suis le meilleur, enfin je n’en suis pas sûr, je m’en sers comme d’un outil. .... Dans ce film, le plus important de ma carrière, je ne dis rien du tout, je ne transmets pas de message. C’est juste un rêve très noir.
Mais pourquoi montrer absolument cette automutilation ? Il le fallait, sinon cela aurait été une sorte de mensonge » Ne trouve-t-il pas qu’il a un tantinet exagéré ? « Non c’est Charlotte qui est allée trop loin. Je n’ai pas pu l’arrêter…» Rire de l’intéressée. « C’est vrai que j’étais assez prête à tout. Les scènes de souffrance étaient plus difficiles pour moi que celles de sexe ou de nudité. Je ne me suis pas préparée, je me suis juste laissé guider par Lars von Trier, qui est un cinéaste formidable ».
Même son de cloche chez Willem Dafoe, qui adore Lars von Trier, un être fantastique et ne voit rien de particulier à se faire écrabouiller les parties. Bon, alors puisque tout le monde est content, on s’arrêtera là. D’autant qu’il y a plus joyeux à se mettre sous la rétine.