Une seule sortie cette semaine, pour cause de vacances. L’occasion de rappeler quelques films à l’affiche depuis Noël dernier et dont nous n’avons pas encore parlé. Mais commençons par le petit nouveau. En 2002, le réalisateur israélien Eytan Fox (photo) s’emparait d’une histoire vraie pour raconter, dans Yossi et Jagger, la relation amoureuse et tragique entre deux jeunes soldats de Tsahal. A l’époque, cette critique du machisme et de l’homophobie régnant au sein de l’armée, avait fait scandale.
Dix ans après, le réalisateur revient avec Yossi, cardiologue et Tel-Aviv et qui ne s’est jamais remis de la mort de Jagger, tué lors d’une embuscade. Marié à son travail, ce trentenaire joufflu dépressif, mal dans sa peau et dans son corps ingrat, n’assume pas son homosexualité tout en repoussant les avances féminines. Ses loisirs se limitent à quelques pornos gays et des ébats sordides avec des prostitués mâles.
Mais le passé resurgit lorsque Yossi tombe par hasard sur la mère de Jagger, venue passer des examens à l’hôpital. Sur un coup de tête il décide de partir seul faire un petit voyage dans le Sinaï. En chemin il prend en stop une bande de jeunes militaires dont Tom, un beau gosse homosexuel décomplexé. Fin, cultivé, le physique avantageux d’un Robert Pattinson israélien, ce fan de Mahler joué par Oz Zehavi, va le pousser à faire enfin son deuil, à tourner la page, à s'assumer et à s’accepter tel qu’il est.
Tout en brassant plusieurs thèmes importants dans cette suite tardive, Eytan Fox se montre nettement moins inspiré. Evitant cette fois toute polémique, il propose un mélo au scénario convenu. Mais en dépit du sentimentalisme ambiant et des rebondissements téléphonés, on est touché par l’émotion qui se dégage malgré tout du film. On la doit surtout à la belle interprétation d’Ohad Knoller, l’acteur fétiche d’Eytan Fox, alourdi de quelques kilos.
Hushpuppy dompte "Les bêtes du Sud sauvage"
Tout le monde sa salué la naissance d’un cinéaste surdoué de moins de trente ans. Benh Zeitlin a collectionné toutes les récompenses dont la Caméra d’or à Cannes et le Grand prix du film américain de Deauville avec Les bêtes du Sud sauvage. Après le cataclysme écologique et social provoqué par la tempête Katrina en Louisiane en 2005, le jeune artiste a décidé d’aller vivre sur place, d’y monter son film et de le faire jouer par des autochtones non professionnels.
Au centre de l’histoire Hushpuppy. Adorable gamine orpheline de mère, elle habite au beau milieu du bayou, dans un invraisemblable bric-à-brac avec son père. Dans le coin vit aussi une communauté de déshérités qui refuse net de céder aux menaces d’expulsion.
Dotée elle-même d’une incroyable force de caractère pour ses six ans, Hushpuppy a appris à se débrouiller seule, sans peur face à la nature qui s’emballe. Car la température grimpe, les eaux montent, les glaciers fondent, libérant une armée de redoutables aurochs. Parallèlement, l’indomptable et courageuse fillette résiste, se révolte, tentant de sauver son père miné par la maladie qui le ronge.
Coup d’essai incontestablement transformé pour cette reconstitution symbolique de Katrina, critique de la société américaine qui prend des allures de fable allégorique, de conte fantastique et onirique. Benh Zeitlin, qui a le sens de l’image, du visuel, du mélodrame, partage sa réussite avec sa principale interprète, Ouvenzhané Wallis. Bluffante, craquante, elle porte le film sur ses épaules avec un naturel irrésistible. Une autre étoile est née…
Randonnée mortelle pour "Touristes"
Jeune femme introvertie, Tina étouffe en compagnie d’une mère possessive et envahissante. Mais elle tombe amoureuse de Chris, écrivain en herbe, qui vient la sauver de sa terne existence et l’emmène visiter la province anglaise dans sa caravane. Un tour qui se veut à la fois culturel et érotique. Leurs premières vacances. Un rêve.
Mais ce séjour qui promettait d’être idyllique va très vite dégénérer par la faute de gens stupides et grossiers, qui s’ingénient à leur gâcher l’existence par leur comportement inepte. Chris et Tina ne voient dès lors qu’une solution pour se débarrasser de cette insupportable faune d’ados, de visiteurs, de campeurs bruyants, négligents, méprisants: les éliminer tout simplement. Et c’est ainsi que la balade des amoureux ne tarde pas à se transformer en une randonnée mortelle sous forme de jeu de massacre.
Avec Touristes, comédie noire très british à l’humour décalé, grinçant et ses deux héros complètement jetés, Ben Wheatley livre un road movie d’un cynisme assez jubilatoire. Mais dont l’intérêt commence à faiblir au bout d’une heure. Principalement en raison du côté répétitif de l’intrigue, qui empêche le film de tenir toutes ses promesses.
Jeanne Moreau dans "Une Estonienne à Paris"
Riche bourgeoise parisienne d’origine estonienne autrefois de mœurs légères, aujourd’hui âgée et acariâtre, Frida se voit imposer la présence d’une dame de compagnie par Stéphane, son jeune amant d’autrefois. Il s’agit d’Anna, Estonienne elle aussi, qui quitte son pays pour venir l'aider. Mais Frida, capricieuse, autoritaire, méchante, ne veut pas d’elle. Et dans un premier temps, tente de la persuader de retourner chez elle.
Comme on peut s’en douter pourtant, les deux femmes vont se rapprocher l’une de l’autre. Dopée par Anna, la triste et cruelle Frida aux penchants suicidaires retrouve peu à peu goût à la vie. Et se laisse aller à quelques gestes d’une magnanimité insoupçonnée à l’égard de sa nouvelle amie. De quoi gâcher la deuxième partie de ce film sur les méfaits de l'âge et de la solitude, signé Ilmar Raag. Et où trône Jeanne Moreau, qui aurait fait merveille en vieille dame indigne jusqu’au bout.
Films à l’affiche dans les salles romandes.