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Grand écran: avec "Une famille", Christine Angot retourne à Strasbourg, le lieu du crime, l'inceste paternel

Christine Angot, qui a raconté dans plusieurs livres l’inceste paternel dont elle a été victime dès ses treize ans et jusqu’à 28 ans, passe de la littérature au cinéma avec son premier film Une famille. Dans le but de briser le silence de ses proches, la romancière retourne à Strasbourg le lieu du crime répété encore et encore, pour confronter ceux qui ont choisi de l’ignorer  

L`oeuvre débute par la visite que la réalisatrice décide courageusement de rendre à sa belle-mère, après des années de messages restés sans réponse. Accompagnée par la caméra de Caroline Champeter, elle force carrément la porte de cette femme, pour l’obliger à l’écouter. Un long face à face violent pendant lequel sa belle-mère, le sourire figé et invoquant le manque de preuve, son mari étant mort d’Alzheimer, restera dans le déni. Se contentant de lui dire  « tu me fais de la peine », « je suis de ton côté ». Des paroles condescendantes, qui mettent en rage Christine Angot.. 

Cet entretien frontal, sera suivi de beaucoup d’autres, difficiles, notamment à Montpellier avec sa mère Rachel Schwartz et son ex-mari, qui reconnaît avoir entendu l’un des incestes, mais ayant été lui-même abusé dans son enfance n’est pas intervenu, se sentant impuissant. Christine Angot n’en tire évidemment aucun réconfort. Finalement, seule sa fille Léonore (image ci-dessus) saura trouver les mots consolateurs qu’elle dit n’avoir jamais entendus. « Je suis désolée, maman, que ça te soit arrivé ». 

Une portée universelle

Entre ces différentes séquences, on découvre des extraits de films tournés en 1993, montrant sa fille et son ex-mari, des photos d’elle au début de l’inimaginable, un portrait du père incestueux.  Parmi ces archives, une séquence insupportable sur le plateau de Tout le monde en parle en 1999, où l'écrivaine se trouve en butte aux sarcasmes de Thierry Ardisson, de son acolyte Laurent Baffie, aux rires complices du public. A bout, elle quitte l’émission. "Pourquoi Christine?, lui lance alors l’odieux Baffie, on s’amusait bien, nous... Moi non, répond-elle..". 

Avec Une famille, Christine Angot, méprisée, vilipendée par la critique avant Le voyage dans l'Est qui lui a valu le Prix Médicis en 2021,  propose un documentaire puissant, dur, dérangeant, intransigeant, sur l'inceste et ses ravages. Et aussi, comme on l’a beaucoup dit, nécessaire, d’intérêt général en raison de sa portée universelle. Mais si son auteure affirme en avoir marre de parler de tout ça, qui envahit son travail, on comprend qu’elle n’en sortira pas. Parce qu’on ne se remet jamais d’un inceste, d’un viol, d’une enfance massacrée. 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 17 avril.

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