Le pari est plutôt rare et casse-gueule. Un film conçu comme un seul plan-séquence de deux heures. Sam Mendes a audacieusement et brillamment relevé le défi avec 1917, une époustouflante prouesse technique où il propose une course quasi ininterrompue (il y a forcément quelques coupures) de deux soldats britanniques contre la montre et contre la mort.
Cet exploit, où l’auteur déjà oscarisé trois fois pour American Beauty, Les sentiers de la perdition et Skyfall, réussit à ne pas sacrifier la dimension humaine et émotionnelle, lui a permis de rafler le 5 janvier dernier deux Golden Globes, dont celui de la meilleure œuvre dramatique. A nouveau parmi les favoris aux Oscars, il pourrait faire coup double si Joker ne dynamite pas cette 92e édition le 9 février prochain, avec ses onze nominations.
Une mission impossible
L’histoire est inspirée de celles que lui racontait son grand-père, engagé volontaire. Dans un contexte historique, la bataille des Flandres, Sam Mendes construit une l’intrigue simple. Le 6 avril 1917, alors qu’ils se reposent dans un champ de blé, une scène bucolique, les jeunes caporaux Blake (Dean-Charles Chapman) et Schofield (Georges McKay) reçoivent l’ordre d’aller voir leur commandant.
Ce dernier leur assigne une mission impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une tuerie, ils doivent sortir des tranchées, franchir les barbelés, traverser la zone démilitarisée et une partie des lignes allemandes pour aller avertir un autre bataillon de ne pas attaquer l’ennemi. Faute de quoi 1600 hommes, dont le frère de Blake, tomberont dans un piège et seront tous massacrés.
La caméra sur les talons, elle ne les lâchera jamais, les deux hommes nous emmènent en enfer. Le réalisateur a choisi des acteurs peu connus (même s’ils éclatent à l’écran) pour que les spectateurs se sentent plus proches d’eux et, ce qui n’aurait pas été le cas avec des stars, doutent de leur chance de survie. C’est réussi. A chaque avancée entre les explosions, dans le sang, dans la boue des tranchées et des champs de bataille défoncés par les obus, on redoute le pire pour les deux héros.
Immersion totale
D’où le suspense presque insoutenable que nous fait vivre cet opus virtuose à tous égards, totalement immersif, captivant, éprouvant. Il nous prend aux tripes en nous plongeant au plus près de l’horreur de la guerre, de sa folie meurtrière, nous laissant ressentir physiquement la peur et l’angoisse de ces deux soldats bouleversants de de courage.
1917 est plus haletant dans sa première partie. La seconde se révèle moins prenante en raison de trop nombreux rebondissements parfois improbables, à l’image d’une longue traversée dans les eaux tumultueuses d’une rivière jonchée de cadavres, qu’il faut enjamber pour regagner la rive. Mais cette œuvre très personnelle n’en reste pas moins un grand film.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 15 janvier.