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Grand écran: Juliette Binoche, excellente, triche sur Facebook dans "Celle que vous croyez"

celle_que_vous_croyez_photo_2diaphana_films-1-1600x844.jpgProfesseur de littérature comparée à l’université, l’érudite Claire Millaud (Juliette Binoche), la cinquantaine, est quittée par son mari pour une plus jeune. Humiliée, désabusée et triste, elle prend un amant, Ludo. Pour l’épier, elle crée un faux profil sur Facebook, où, sans se préoccuper des conséquences de cette supercherie, elle s’imagine dans la peau d’une superbe Clara de 24 ans qui ne tarde pas à séduire un garçon de son âge, Alex (François Civil), l’ami de Ludo.

Non seulement Claire retrouve la joie de vivre, mais tombe véritablement et follement amoureuse de lui. Problème, il insiste pour la rencontrer en chair et en os. Un film bien dans l’air du temps, adapté par Safy Nebbou du roman éponyme de Camille Laurens. Le réalisateur français construit un film gigogne à la manière d’une poupée russe, proposant un récit à la fois éclaté et très structuré mêlant de façon assez vertigineuse le réel et le virtuel. Superposant ainsi plusieurs thèmes.

Tout en illustrant, dans un dispositif narratif astucieux et efficace, les tentations et les addictions qui se jouent sur les réseaux sociaux dont il analyse le pouvoir d’imposture, il évoque la barrière de l’âge et du langage, la place de femmes qui deviennent invisibles dans une société où règne le jeunisme. L’ensemble complété par le face à face, sorte de fil conducteur entre Claire et une psy (Nicole Garcia)

Safy Nebbou nous balade ainsi entre mensonge et vérité, fantasme et passion, culpabilité et désir, peur de l’abandon et obsession, dans un film qui oscille entre le thriller aux rebondissements inattendus, la chronique sociale et la romance. Juliette Binoche est formidable en quinqua qui se met à nu et en danger, sans maquillage, complexe, multiple, amoureuse, meurtrie, paumée.

Tour à tour exaltée et dépressive, manipulatrice au bord du précipice, elle est obligée de tricher en plus en plus au fur et à mesure que l’intrigue avance. Très crédible de l’autre côté du divan, Nicole Garcia séduit tout autant en thérapeute à la fois empathique, intriguée et émue par les confessions de sa patiente.

nebbou_safy.jpg«J’ai tout de suite vu un film dans le roman»

Safy Nebbou, pas spécialement accro aux réseaux sociaux mais reconnaissant qu’ils peuvent rapidement devenir chronophages, a d’abord été interloqué en découvrant le pitch du roman de Camille Laurens. Puis carrément emballé en le lisant. «J’ai adoré. Il est très intelligemment construit. Tellement d’ailleurs, que nous avons simplement suivi sa logique».

Il a immédiatement vu un film dans cette relation basée sur le mensonge. «Une histoire terrible et dysfonctionnelle, une spirale où s’enferme une femme, mais qui paradoxalement la libère. Du point de vue structurel, tout est dans le dosage. Il faut emporter le spectateur, le projeter dans la spirale en évitant les pièges».

L’auteur connaissait un peu Juliette Binoche. «On s’est rencontré dans un jury et on a sympathisé. Je l’admire énormément. C’est une de nos plus grandes actrices. Il y en a peu qui auraient accepté de se mettre ainsi à nu, en danger. En abîme pour tout dire. Après Dans les forêts de Sibérie, je tenais de surcroît à faire un film avec une héroïne. Juliette était parfaite».

S’il se montre fidèle à Camille Laurens, Safy Nebbou avoue une petite trahison. «Dans le livre, le psy est un homme. Mais en choisissant une femme, j’avais envie d’un effet miroir. Nicole Garcia est une excellente comédienne. Je la trouve très crédible dans la fonction. Les deux n’avaient jamais tourné ensemble, mais le duo s’est formé tout naturellement, dans la délicatesse».

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 6 mars.

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