Un homme traverse un lac gelé avec une petite fille et, ayant atteint une forêt, la vise avec un fusil de chasse… Après le remarquable Oslo 31 août, Back Home tourné en anglais aux Etats-Unis et qui avait été sélectionné en compétition à Cannes en 2015, Joachim Trier s’essaye au cinéma fantastique avec l’intrigant et déroutant Thelma. En nous plongeant d’entrée dans un climat glacial, inquiétant et anxiogène.
Sous contrôle permanent de parents luthériens rigoristes qui scrutent son emploi du temps, Thelma quitte sa province pour aller étudier à l‘université d’Oslo. Fragile, timide et pieuse, elle n’est toutefois pas contre la découverte, l’ouverture aux autres. Sinon plus.
Mais, tandis qu’elle est irrésistiblement et secrètement attirée par une camarade de classe, la jolie Anja, elle est soudain prise de violentes convulsions à la bibliothèque. D’abord perplexes face à ce mal étrange s’apparentant à une crise d’épilepsie que le bon état de santé de la patiente n’explique pas, les médecins n’excluent finalement pas une attirance sexuelle.
L’hypothèse affole Thelma. Ses attaques de plus en plus paroxystiques se multiplient, parallèlement à l’intensité croissante de ses sentiments pour Anja, libérant chez elle de dangereux pouvoirs surnaturels. Sa simple volonté déclenche ainsi l’horreur dans la mesure où elle ne parvient pas à maîtriser ses pulsions.
Elle décide alors de rentrer à la maison où elle est confrontée à de monstrueux et traumatiques souvenirs enfantins. Ils pourraient expliquer ces mystérieuses facultés télékinésiques lui permettant de faire disparaître les êtres qui la dérangent.
Influences assumées pour l’auteur
Dans une mise en scène suggestive un peu maniérée au service d’un scénario un rien tortueux où il fait remonter des images mentales à la surface, Joachim Trier explore d’abord une quête d’émancipation. Puis d’identité à travers une histoire d’amour (qu’il se prive toutefois d’exploiter vraiment) peuplée de visions cauchemardesques. Sous influences assumées, notamment de Brian de Palma (Thelma fait penser de loin à Carrie), il brosse le portrait d’une jeune fille qui cherche à réprimer son désir croissant pour une amie.
La séduisante Eli Harboe enfile avec talent le costume de Thelma dans ce thriller en forme d’allégorie, mâtiné de conte initiatique et d’étude de mœurs. Tentant d’échapper aux interdits et au puritanisme pour assumer son homosexualité, cette attachante sorcière féministe, stigmatisée pour ses penchants amoureux, doit livrer un gros combat pour être elle-même, s‘accepter, s’aimer et aimer les autres.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 7 mars.