Après un Teddy Award et le prix du public à la Berlinale, le docu-fiction de Stefan Haupt a été choisi par la Suisse pour la course à l’Oscar du meilleur film étranger.
Der Kreis se déroule dans le Zurich des années 50. Tout en nous laissant pénétrer dans l’une des premières communautés de libération des homosexuels, le film est centré sur le couple formé dans la vraie vie par Röbi Rapp, garçon extraverti coiffeur le jour, artiste travesti la nuit, et Ernst Ostertag, issu d’une famille psychorigide, enseignant dans une école de filles et redoutant de s’assumer.
Ces deux hommes de milieux différents tombent fous amoureux lors de leur rencontre au sein de la revue gay trilingue «Der Kreis-¬Le Cercle- The Circle», publication unique au monde et seul réseau du genre fondé en 1940 à avoir survécu au régime nazi.
N’ayant pas l’équivalent du redoutable paragraphe 175 allemand et ne pénalisant donc pas les relations homosexuelles adultes, la Suisse constituait une exception en Europe, sinon une sorte d'Eldorado pour le milieu. Le cercle était distribué anonymement à quelque 2000 abonnés, dont 700 à l’étranger, avec l’accord de la censure helvétique.
Mais cette terre de liberté même relative, s’est brutalement heurtée au durcissement conservateur, trouvant un écho au niveau fédéral. En 1957, un meurtre sordide déclenche une campagne médiatique homophobe. Acharnement policier, humiliations, menaces et dénonciations finisssent par avoir la peau du magazine dix ans plus tard, tandis que les homosexuels zurichois ou soupçonnés tels, devinrent les victimes d’une répression violente.
Apogée et déclin de la revue
Tout en luttant avec force et courage pour vivre leur passion, Röbi et Ernst assistent à l’apogée et au déclin du Kreis, dont les membres organisaient de grandes soirées de danse et de chansons dans un club underground, le Theater Neumarkt, attirant les gays d'Europe, voire d’Outre-Atlantique.
Entre fiction et documentaire, l’opus rendant compte d’une dure bataille pour les droits humains, est émaillé de passionnants documents d’époque et de témoignages des deux principaux protagonistes (photo) qui furent, dans les années 1990, le premier couple homo suisse officiellement marié.
La réussite du film, qui tient surtout à son sujet mais également au jeu des deux comédiens jouant Röbi et Ernst (Sven Schelker et Mathias Hungerbühler), renvoie aux progrès réalisée n Occident dans l'ouverture des esprits mais également à ce qui se passe aujourd'hui dans de nombreux pays, où les choses virent à la tragédie. Il montre également qu’il faut toujours se battre pour conserver des libertés jamais définitivement acquises.
Les membres du Cercle se trompaient lourdement en imaginant que la société des fifties était mûre pour octroyer les mêmes droits aux couples de même sexe. Il suffit de penser à la « Manif pour tous » qui continue à mobiliser en France en dépit de la loi Taubira.
Film à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 19 novembre.