Quand Clint Eastwood s’empare d’un sujet musical, c’est plutôt réussi. Il suffit de penser à Honkytonk Man (1982), évoquant la galère d’un chanteur country ou le célèbre Bird (1988) pour s’en convaincre. Rien d’étonnant donc à ce que le réalisateur mélomane s’intéresse à la comédie musicale. En 2011, il mijotait un remake du célèbre film de George Cukor Une étoile est née, avec Judy Garland et James Mason, sorti en 1954, mais le projet était tombé à l’eau.
Beyoncé qui devait en être la vedette s’était en effet désistée pour cause, paraît-il, d’horaire trop chargé. Le grand réalisateur s’est donc attaqué à l’adaptation de Jersey Boys, la comédie musicale homonyme à succès créée en 2005 à Broadway. Restée depuis lors à l’affiche, elle a aussi fait un tabac dans le monde entier.
Le film raconte l’histoire du groupe pop rock mythique des sixties The Four Seasons, formé de quatre garçons italo-américains du New Jersey issus d’un milieu modeste: Frankie Valli (baryton à la voix de fausset), Bob Gaudio (le créatif coauteur avec le producteur Bob Crewe de nombreux titres), Tommy De Vito et Nick Massi.
Plus doués pour la musique que pour le crime...
Voyous mais pas trop, ils étaient heureusement plus doués pour la musique que pour le crime. Machines à hits, ils ont réussi pendant quelque temps, avec les Beach Boys, à tenir la dragée haute aux Etats-Unis à la déferlante Beatles et Rolling Stones.
Clint Eastwood nous emmène sur les traces du quartet dont on suit la formation, l’apprentissage, l’ascension et le déclin dans une construction où, à tour de rôle, comme dans la pièce, chacun des garçons s’adresse directement à la caméra pour donner sa propre vision des événements. Sans en cacher les côtés scabreux, séjours en prisons ou accointances avec la mafia.
Montrant plus particulièrement la façon dont le groupe affecte les individus dans cette biographie collective, le cinéaste insiste sur les rapports houleux en coulisse, les conflits générés par des problèmes d’argent, familiaux, la jalousie, la rivalité, la trahison, la mesquinerie, les frustrations ou une cohabitation difficile. Des clashes à répétition qui finiront par faire exploser inévitablement la petite communauté à la fin d’une décennie de rêve.
Pas de stars, mais des acteurs de théâtre
Le réalisateur n’a pas voulu de stars hollywoodiennes pour interpréter les quatre chanteurs-musiciens-auteurs-interprètes, mais des acteurs de théâtre qui se révèlent parfaits. A l’image de John Lloyd Young qui a créé le rôle de Frankie Valli à Broadway, Michael Lamenda (Nick Massi) Vincent Piazza (Tommy DeVito) et Erich Bergen (Bob Gaudio). En revanche le cinéaste a fait appel à l’irrésistible Christopher Walken, ui campe avec bonheur un narquois parrain mafieux.
A cela s’ajoutent des dialogues ciselés et une bande son impeccable composée de tubes impérissables: Sherry, Walk Like A Man, Big Girls Don’t Cry, December 1963 (Oh What A Night), Can’t Take My Eyes Off You... Au final un long-métrage à la fois jubilatoire, nostalgique et émouvant de plus de deux heures, qui passent comme un éclair. (Photos: Erich Bergen, John Lloyd Young Michael Lomenda, Vincent Piazza).
Film à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 juin.