Après trois longs métrages d’animation qui lui ont pris une douzaine d’années, Robert Zemeckis, notamment oscarisé pour Forrest Gump en 1995, opère un grand retour aux prises de vue réelles avec des acteurs en chair et en os. Fasciné par le gros potentiel dramatique du scénario de John Gatins, tiré d’un accident survenu en Alaska en 2001, il raconte dans Flight l’histoire de Whip Whitaker. Pilote de ligne hors pair, il réussit miraculeusement à poser son avion dans un champ après un accident en plein ciel.
Seuls six morts sont à déplorer sur un total de 102 personnes à bord. Un exploit qui fait naturellement de Whip un héros traqué par les médias. Mais l’enquête qui suit le crash provoque de nombreuses interrogations sur ce qui s’est réellement passé à bord du vol 227. Soupçonné d’alcoolisme, Whip se voit soudain mis au ban de la société. En dépit de ses affirmations, relayées par l’Administration fédérale de l’aviation américaine, selon lesquelles personne d’autre que lui n’aurait pu faire atterrir l'appareil.
Portant sur ses épaules l’opus, à la fois film catastrophe, de procès et drame intimiste, Denzel Washington se glisse avec talent dans la peau de ce pilote écorché vif, héros et loser, dépendant à l’alcool et à la coke, naviguant entre orgueil, démesure et autodestruction. L’avocat de Philadelphia est évidemment nommé à l’Oscar du meilleur acteur qu’il avait d’ailleurs déjà obtenu en 2002, pour son rôle dans Training Day.
De son côté l’efficace Robert Zemeckis propose quelques magistrales scènes d’action, dont l’incroyable retournement de l’appareil sur le dos avant l’impressionnant écrasement au sol. Dommage pourtant que l’œuvre ne tienne pas toutes ses promesses dans une deuxième partie. Centrée sur le portrait psychologique du personnage et sa rencontre avec une junkie, elle nous emmène vers un inévitable dénouement moralisateur.
Tom Hooper revisite Les Misérables
S’inspirant de la comédie musicale Les Misérables, à ce jour celle qui a enregistré le plus grand nombre de spectateurs dans le monde, Tom Hooper livre une énième version cinématographique du chef d’œuvre de Victor Hugo. Albert Capellani s’y était déjà attelé en 2912, suivi par Raymond Bernard, auteur d’une trilogie en 1933. En 1957 c’est Jean-Paul Le Chanois qui s’y colle (Jean Gabin jouant Jean Valjean), puis Robert Hossein en 1982. Claude Lelouch s’attaque au mythe en 1995 et Bille August trois ans plus tard.
Au tour de Tom Hooper ( l’excellent auteur de Le discours d’un roi) de se laisser happer par la poignante histoire du célèbre écrivain français. Ne lésinant pas sur le casting, il s’est offert Hugh Jackman, Russel Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried ou encore Helena Bonham Carter, qui ont en plus interprété les chansons en direct sur le tournage. Une performance vocale (si l’on excepte celle de Russel Crowe) qui, ajoutée au côté spectaculaire de l’œuvre lui vaut d’être nommée dans huit catégories aux Oscars, dont celle du meilleur film, après avoir décroché le Golden Globe de la comédie musicale.
Logique, on adore ça dans la Mecque de la pellicule. Voilà qui ne nous laisse pas moins songeur lorsqu’on découvre les tribulations hollywoodiennes du héros hugolien, forçat évadé devenu maire d’une petite ville, sauveur de la pauvre Fantine, père adoptif de sa fille Cosette et poursuivi par l’implacable Javert. Le tout sur fond d’insurrection républicaine de juin 1832. Bref on est loin de l’ampleur épique et du réalisme subtil du roman.
Du coup, on peine à se passionner pour le destin tragique des personnages au fil d’un interminable récit de 2h 30 qui s’embourbe à l’image d’un Jean Valjean enchaîné, rampant misérablement dans la fange. Autrement dit, à quelques exceptions près, ce show se révèle kitsch, mièvre et bondieusard.De quoi faire se retourner plus souvent qu’à son tour le grand Victor Hugo dans sa tombe. Ou, comme on peut le lire chez un critique de Marianne : Si Jean Valjean avait su qu’il tomberait un jour entre les griffes de Tom Hooper, il serait sans doute resté au bagne… ». Dur, mais pas faux.
Héritage, portrait de famille
Scénariste, comédienne (La fiancée syrienne, Les citronniers, Munich), Hiam Abbass passe derrière la caméra pour un premier long-métrage où elle nous plonge au cœur d’une famille palestinenne de Galilée, à la frontière libanaise. Entre la célébration d’un mariage et la mort du patriarche, ses membres se rassemblent, alors que la guerre menace.
Dans ce film choral, Hiam Abbas mêle générations, modernité et tradition, petits secrets et grands tourments, sur fond d’histoire et de politique. Avec comme élément central le choc des cultures. Il est symbolisé par la fille cadette Hajar ( magnifique Hafsia Herzi) que son père a envoyée faire des études à Haïfa.
Décidée à conquérir sa liberté, amoureuse de son jeune professeur de dessin anglais (photo), elle n’a pas l’intention de se couler dans le moule en épousant son cousin Ali. Inutile de dire que ses velléités d’indépendance passent mal dans cette société patriarcale, mais n’en révèlent pas moins amours interdites, intrigues et compromissions au sein du microcosme.
Une fresque familiale pleine de chaleur et d’énergie, mais dont la complexité foisonnante nuit à la maîtrise. Elle est en revanche servie par de très bons acteurs.
Films à l’affiche dans les salles romandes depuis mercredi 13 février.