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Grand écran: "Le voyage à Eilat" réunit un père et son fils au cours d'un road-trip émouvant et drôle dans un Israël méconnu

Albert, septuagénaire acariâtre et énervant, lance un défi stupide au cours d’une soirée bien alcoolisés. Il parie une bouteille de whisky qu’il peut traverser le pays du nord au sud.  en moins d’une semaine au volant d’un  tracteur rouge roulant à 35 km à l’heure.  Il embarque dans cette aventure vers Eilat son fils Ben, 35 ans, qui était juste venu le voir dans son kibboutz pour lui demander  une signature, dans le but de récupérer un appartement spolié lors de la deuxième Guerre mondiale à Varsovie.

Ben, qui déteste son père se montre plus que réticent à l’accompagner dans ce road trip improbable. Alors que le film s’ouvre sur une scène à la fois dramatique et burlesque où il s’agit de décrocher un vieil homme de l’arbre où il s’est pendu, une série d’événements et de rencontres avec toutes sortes de personnages, dont celle du demi-frère de Ben, un religieux qui ne veut plus adresser la parole à son père, va marquer le parcours de ce duo insolite. 

Un film très israélien mais également universel

Avec ce road trip émouvant, drôle, complexe qui a décroché beaucoup de prix dans les festivals, le réalisateur israélo-franco-suisse Yona Rozenkier, évoque une société divisée dans un pays plein de préjugés qu’on  ne voit jamais. Et permet à un fils et son père, faux bouffon alcoolique croyant en la bonté de l’humanité,. d’apprendre à se connaître et de finir par s’aimer. Un film très israélien mais aussi universel. Les problèmes de famille, il y en a partout dans le monde. ,

De passage à Genève, Yona Rozenkier nous apprend qu’il était fermier dans un kibboutz jusqu’à l’âge de 27 ans. «Je plantais des bananes. Mais  le cinéma était un rêve depuis longtemps. D’abord, j’étais amoureux de Sharon Stone et je voulais devenir acteur. Finalement, je me suis lancé dans la réalisation après avoir suivi des cours à l’université de Tel-Aviv. Mais . Mais j’étais paresseux et j’ai mis douze ans à décrocher mon diplôme  Le voyage à Eilat est mon deuxième long métrage.» 

Ce périple en tracteur fait bien sûr penser à Une histoire vraie de David Lynch où un vieil homme part retrouver son frère en tondeuse à gazon. 

C’est effectivement un hommage à David Lynch, mon réalisateur préféré. Et je précise que le tracteur est celui de mon kibboutz. Il symbolise le vieux pays. Je voulais faire un film dans un Israël méconnu, les lieux oubliés dans le désert. Le cinéma israélien  est centré sur les grandes villes. J’ai essayé, pour les dénoncer, de jouer avec les préjugés qui existent entre les différentes communautés, éthiopiennes ,géorgiennes, palestiniennes, russes, chacune s’enfermant pour regarder et critiquer l’autre. Le pays souffre beaucoup de cela.  Et aussi de racisme, qui pour moi est la pire des choses. 

Il y a un côté autobiographique.

Oui, dans la mesure où jouent mes deux vrais frères. Et le personnage du père est inspiré par le mien, un juif polonais très militant. Dans le film, il raconte des histoires et Ben pense que ce sont de gros mensonges. En réalité tout lui est plus ou moins arrivé. J’avais plutôt de bons rapports avec mon père, mais il était un peu difficile. Il a eu une enfance très dure. Il est né dans une catacombe. Il a dû se cacher pendant la Shoah. Mais cela ne l’a pas empêché de nous enseigner la foi dans la bonté humaine. Ce film, qui montre également la beauté d'Israël,  est une lettre d’amour que je lui envoie. 

Vous évoquez le poids de la religion à travers la visite au demi-frère de Ben, qui ne veut plus voir son père.

En effet, la société devient de plus en plus religieuse en Israël  A la base, le conflit était  laïque, sur le droit de deux peuples à avoir une terre. Là c’est de la folie. Pour moi  la violence  qui a commence avec le 7 octobre n’est due qu’à des extrémistes religieux. Je ne vois que du danger là-dedans. Il faut revenir aux origines.

Puisque vous parlez de cette tragédie, comment la vivez-vous ?

Chaque jour est plus terrible que le précédent.  Mais je reste optimiste. Cela renforce ma croyance en la paix, en l’humanisme. A la fin les gens des deux côtés vont comprendre que la seule solution est celle de deux pays pour deux peuples. Mais la question est évidemment quand cela v a-t-il arriver?

Le voyage à Eilat, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 janvier.

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