Suite à un accident, Franck, ferrailleur endetté jusqu’au cou et vivant dans une caravane, se retrouve devant un juge. Heureusement, Julien son jeune avocat, lui obtient le sursis. Accompagné de sa femme Anna, également avocate, il propose de déposer Franck chez lui. Pour le remercier, ce dernier lui propose de boire un verre et lui présente son épouse Meriem. Déjà mère de cinq enfants, elle est enceinte du sixième. Mais le couple aux abois ne peut se le permettre.
De leur côté Julien et Anna désespèrent d’en avoir. Les deux couples en viennent alors à un impensable arrangement, décidant de faire ce que la loi décrit comme un trafic. L’avortement n’étant pas une option en raison de ses convictions religieuses, Meriem par ailleurs physiquement usée, est en effet prête à laisser une autre adopter clandestinement ce bébé à naître, pour lui offrir un meilleur avenir. D’abord déroutée par cette proposition douteuse, Anna lasse d’avoir tout essayé, accepte et vivra la grossesse de Meriem par procuration.
Dans son premier long métrage adapté du roman d’Alain Jaspard Pleurer des rivières, Leopold Legrand propose un film centré sur le désir obsessionnel, viscéral d’enfant d’Anna, dont on découvre à la fois la détermination farouche et la faiblesse psychologique. Elle est magnifiquement jouée par Sara Giraudeau, qui donne la réplique aux excellents Judith Chemla (Meriem) Damien Bonnard (Franck) et Benjamin Lavernhe (Julien).
Une histoire d'amour avant d'être une transgression
Cette intrigue, principalement portée par les deux femmes qui s’allient et dont on suit l’évolution jusqu’à l’accouchement, paraît tellement invraisemblable qu’on pouvait craindre le pire. Mais Leopold Legrand parvient à en faire un drame bouleversant, sous tension, abordant avec intelligence et finesse les thèmes de la maternité de la justice, de la morale, de la déontologie des uns et des autres. Le tout lié aux divergences au sein des deux couples. L’opus, qui ne juge pas, se révèle une histoire d’amour avant d’être une transgression. Une réussite.
Membre du talentueux quatuor Damien Bonnard, né à Alès en 1978, était de passage à Genève. Personnage attachant voulant devenir comédien depuis l’adolescence, il a mis du temps à y parvenir. J’ai arrêté l’école à 16 ans, enchaîné les petits boulots dans les pizzerias et sur les chantiers, avant d’intégrer les Beaux-Arts de Nîmes et de beaucoup voyager entre Bruxelles, l’Algérie et le Canada ».
Rentré à Paris, il colle des affiches et trouve un job de coursier qui lui permet de rencontrer des producteurs. Pendant cinq ans, il fait de la figuration, les petites prestations arrivent et il finit par décrocher le rôle principal dans Rester vertical d’Alain Giraudie en 2016, qui lui vaut le prix Lumière de la révélation masculine de l’année en 2017. « Mais ça n’a pas du tout changé ma vie. Pendant trois ans, on ne m’a pas trouvé bankable»
Et cela jusqu’en 2019 où il incarne, dans Les Misérables de Ladj Ly, la nouvelle recrue honnête d’une brigade de la BAC, qui patrouille dans la cité de Montfermeil. lI est nommé au César du ,meilleur acteur. On le retrouve ensuite aux côtés de Leila Bekhti dans Les Intranquilles de Joachim Lafosse, où il se glisse dans la peau de son mari, un artiste bipolaire. Ce lui vaut encore une nomination au César. «Cela vous donne une grande visibilité, vous met en lumière. Aujourd’hui, on ne me propose pratiquement que des rôles principaux..
En ce qui concerne Le sixième enfant, c’est une amie qui lui a fait lire le roman. «J’ai rencontré Léopold Legrand au festival d’Alès. Puis j’ai reçu le scénario, que j’ai immédiatement accepté. J’aime l’idée d’être entre la justice humaine et institutionnelle, le tout dans un thriller qui pose des questions existentielles et sociétales. Par ailleurs je trouve cet homme très intéressant avec sa volonté de rester droit, d’éviter les magouilles, même en situation précaire. Je pense que les trois autres comédiens étaient du même avis. Ils ont également dit oui tout de suite. Notre groupe a très bien et très vite fonctionné».
Et cela ne va pas s’arrêter là pour Damien Bonnard, qui retrouvera Sara Giraudeau dans son prochain film, Le Système Victoria, de Sylvain Desclous
Le sixième enfant à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis le 26 octobre.