Révélé à Sundance en 2015 avec Tangerine, dont les héroïnes étaient incarnées par deux véritables prostituées transgenres, Sean Baker revient avec Anora, qui lui a valu la Palme d’or en mai dernier après avoir électrisé la Croisette. Déjà sélectionné en 2017 à la Quinzaine des cinéastes pour The Florida Project, où il évoquait des marginaux en situation précaire, il avait ensuite connu les honneurs de la compétition il y a deux ans avec Red Rocket, qui brossait le portrait d’un ex-roi du porno qui tentait un come-back.
A nouveau attaché à montrer les conditions de vie des travailleurs et travailleuses du sexe, à qui il avait rendu hommage en recevant son prix, le réalisateur américain poursuit dans le domaine, en mettant en scène la rencontre entre une danseuse érotique de Brooklyn d'origine ouzbek et le fils d’un oligarque russe dans le «club pour gentlemen» où elle se donne du mal pour le satisfaire.
Le courant passe formidablement bien entre la volcanique Anora préférant qu’on l’appelle Ani (géniale Mikey Madison) et le pourri gâté Vanya (Mark Eydelshteyn, le Chalamet russe), délirante tête à claques immature à peine sortie des jupes de sa mère, qui ne fait rien de son temps sinon la fête avec sexe, drogue et alcool.
Enthousiaste, rapidement amoureuse sans négliger l’aspect pécuniaire, Ani met un tel cœur à l’ouvrage que le gamin lui propose, contre paiement de 15000 dollars, de passer une semaine à sa disposition exclusive dans la luxueuse villa du papa avant de l’épouser lors d’une virée alcoolisée à Las Vegas. Une aubaine financière pour elle qui touche du doigt le rêve américain, et une Green Card pour lui.
Tout baigne et on se prend à redouter une sorte de resucée, si l’on ose dire en l’occurrence, de Pretty Woman. Heureusement non, car le conte de fée ne tarde pas à virer à l’aigre. Furax, le richissime paternel veut faire annuler le mariage et envoie trois gros bras, un prêtre orthodoxe et deux grosses brute demeurées, pour intimider Ani et la convaincre de divorcer en lui offrant 10.000 dollars.
Ani révèle la tigresse qui sommeille en elle...
Mais l’insolente a le répondant correspondant à son prénom (Ani signifie grenade en ouzbek). Elle ne se laisse pas faire, s’accroche avec rage à son statut marital ce qui nous vaut une longue scène d’anthologie, où deux des Pieds Nickelés tentent de la maîtriser. Véritable tigresse, Ani rend les coups dans une confrontation musclée et se livre à une destruction en règle de tout ce qui l’entoure en poussant des hurlements émaillés de répliques ultra grossières qui vous vrillent les oreilles
Finalement calmée, elle se joint à une course poursuite aux péripéties burlesques dans New York, des night-clubs de Manhattan aux planches de Coney Island, pour retrouver Vanya, qui a lâchement disparu. Le film prend alors un tour inattendu, grâce à un scénario surprenant et une mise en mise en scène inspirée eultra rythmée n forme de roller coaster, avecdses rebondissements plus ou moins improbables.
Entre érotisme assumé, sensualité, romance, drame social, polar sous tension, Sean Baker propose une comédie de mœurs déjantée, jouissive, à la fis grave et pleine d’humour. Elle fait la part belle à un magnifique personnage féminin, Cendrillon moderne sous substance sublimée par Mikey Madison. Ssurvoltée, insoumise, magnétique et vulnérable. elle nous émeut aux larmes, lors d’un laisser-aller final d’une bouleversante douceur. A star is born . L’Oscar n’est pas loin..
A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 octobre.