Grand écran: François Ozon revisite "L'étranger" d'Albert Camus. Une brillante réussite avec un excellent Benjamin Voisin (07/11/2025)

Après Luchino Visconti en 1967, avec Marcello Mastroianni dans le rôle principal, François Ozon revisite L’étranger d’Albert Camus, monument de la littérature française paru en 1942. Il nous ramène en 1938 à Alger, dont il offre une remarquable reconstitution et s’attache à suivre l’énigmatique Meursault (Benjamin Voisin). 

Jeune homme d’une trentaine d’années, c’est un modeste employé sans ambition. Alors que sa mère vient de mourir dans un asile, Il demande un congé à son patron pour aller l’enterrer, devoir dont il s’acquitte sans la plus petite larme ou émotion. Le lendemain, il entame une liaison avec Marie (Rebecca Mader), une collègue de bureau, qui tombe très amoureuse de lui. Puis il reprend son quotidien banal. Avant de se laisser entraîner dans les affaires louches de son voisin Raymond Sintès (Pierre Lottin). Meursault finira, sans qu’on sache très bien pourquoi, par tuer un Arabe sur une plage inondée d’un soleil de plomb

François Ozon nous plonge dans une ambiance lourde et surchauffée qu’il nous fait physiquement ressentir. Il propose une relecture brillante, épurée, politique, contemporaine, de ce roman culte, écrit pour explorer l'absurde, cette conviction que la vie n'a pas de sens évident et que chercher à lui en donner un est inutile. La vie de Meursault, monstre d’indifférence, en est le reflet. Pour lui, rien ni personne n’a de sens. C’est ce qu’explore l’auteur dans une oeuvre à la mise en scène minimaliste et précise, filmée dans un noir et blanc somptueux.  

Beau comme un dieu, Benjamin Voisin révélé par Ozon dans Eté 85, se glisse magistralement dans la peau de cet homme à la passivité saisissante, perturbante. Mutique, détaché de tout, il n’éprouve rien, ne montre rien. Tout lui et égal. Il sera certes condamné à la peine capitale pour son crime, mais aussi par son absence totale de remord et son incapacité à pleurer la mort de sa mère. A ses côtés, Pierre Lottin se montre très convaincant en grande gueule toxique et insupportable, qui joue les gros bras et bat sa femme. A la hauteur également Rebecca Mader dans le rôle de Marie. Personnage plus développé que dans le roman, elle est pleine de vie, d’amour, de désir, contrastant avec l’impassibilité et l’insensibilité de Meursault. 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande, depuis mercredi 5 novembre.

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