Grand écran: "Une part manquante", quête obsessionnelle de Romain Duris au Japon pour retrouver sa fille (03/12/2024)
Après Keeper et Nos batailles, Guillaume Senez nous emmène à Tokyo. Tous les jours Jay (Romain Duis), qui y vit depuis quinze ans, sillonne la ville au volant de son taxi à la recherche de sa fille, Lily (Mei-Cirne-Masuki, découverte à Paris). Depuis 9 ans qu'il est séparé de sa femme, il ne l'a jamais revue, car la garde partagée n’existe pas au Japon. Elle revient au premier des parents qui prend l’enfant. Alors que Jay a perdu tout espoir et s'apprête à rentrer en France l’improbable, incroyable se produit. Lily monte dans son taxi. Seulement, elle ne le reconnaît pas. Paradoxalement, alors que son rêve se réalise, Jay va devoir créer un lien avec Lily.
Dans Une part manquante, coscénarisé avec Jean Denizot, le réalisateur s’appuie donc sur une loi japonaise méconnue et cruelle pour nous raconter avec sensibilité, sobriété et justesse une poignante histoire de paternité. Un thème, une réflexion qui lui tient particulièrement à cœur et qui a déjà nourri ses deux précédents films. Son dernier-né est à nouveau porté par Romain Duris, expat assimilé convaincant, qui joue avec une certaine pudeur et une émotion contenue de tous les sentiments, de toute la frustration que peut éprouver un homme dans son cas. A ses côtés, la petite Mei Cirne-Masuki se montre à la hauteur.
Guillaume Senez nous en dit plus à l’occasion d’un récent entretien à Genève. «L’’idée du film est née par hasard à Tokyo, lors de la promotion, avec Romain Duris, de Nos batailles. Nous avons eu l’occasion de rencontrer des expats français qui nous ont parlé de ces rapts parentaux et ça nous a touchés. Du coup, il apparaissait évident d’en faire un film pour attirer l’attention, créer de l’émotion, provoquer une réflexion».
Vous êtes très inspiré, sinon plus, par la paternité. Qu’est-ce qui vous motive tant dans ce sujet?
D’abord, j’ai trois enfants, ce qui n’y est pas étranger… Mais aussi, comment vous dire, je suis bouleversé par le lien familial. Par tout ce qui l’évoque. Même une simple pub. Dans le cas qui nous occupe, il faut savoir qu’entre 150'000 et 200'000 enfants sont enlevés chaque année au Japon. C’est un vrai phénomène de masse qui vous secoue. Pour les Nippons c’est certes très douloureux, mais c’est leur culture. Pour les expats c’est encore plus dur à gérer.
Ce refus de garde alternée, qui provoque tant de déchirements, pourrait-il évoluer?
En fait, le Japon pratique la politique de l’autruche. Le gouvernement ne veut pas que les parents divorcent. Pour autant j’ai essayé de ne pas être à charge. Je me suis beaucoup renseigné. J’avais des consultants à tous les niveaux pour être juste, pour montrer comment les choses se passent dans un pays que je ne connaissais pas, que j’aime et où j’ai appris à travailler.
A cet égard, comment s’est déroulé le tournage?
Différemment bien sûr. Il faut s’y faire. Deux petites choses pour l’illustrer en ce qui concerne lepln de travail. . Par exemple, on ne peut pas tourner dans une piscine, alors qu’il y en a partout. En revanche pas de problème dans le métro, alors qu’à Paris, c’est impossible.
Pourquoi avoir choisi un Occidental, en l‘occurrence Romain Duris, pour ce rôle de père en manque obsessionnel de sa fille?
J’étais avec Romain au Japon, on avait envie de collaborer à nouveau, on est tombé sur ces histoires de rapts parentaux, on a vu des papas et des mamans privés de leurs enfants, cela s’est fait tout naturellement. Et puis je trouvais excitant un Français qui s’exporte, qui doit s’intégrer à une autre cuture, une autre religion, apprendre une autre langue. Pour moi c’était, toutes proportions gardées, un écho au parcours d’un migrant, mais inversé.
Vous dites avoir été bluffé par la maîtrise du Japonais de Romain Duris.
En effet. Il a appris par cœur les dialogues en phonétique pendant quatre mois et il s’est approprié des phrases en faisant les courses, en allant au restaurant. Il improvisait parfois en japonais.
Après trois films sur la paternité, avez-vous envie de changer?
Oui. Je travaille sur un premier rôle féminin à travers le prisme de la maternité.
"Une part manquante", à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 5 décembre.
18:38 | Lien permanent | Commentaires (0)