Grand écran: "Le consentement", adaptation fidèle de la bombe littéraire lancée par Vanessa Springora (06/12/2023)

Début 2020, Vanessa Springora lançait une bombe dans le milieu littéraire et bien et au-delà, avec la publication de son livre Le Consentement. Minutieuse, implacable, la talentueuse éditrice décrivaiit l’emprise toxique durable exercée sur elle à la fin des années 80, alors qu’elle avait à peine 14 ans, par l’écrivain Gabriel Matzneff, pédophile quinquagénaire encensé à l’époque par le petit monde culturel parisien. 

Le succès fulgurant de cette œuvre glaçante, dérangeante, devait forcément inspirer une version cinématographique. Trois ans plus tard, alors que Matzneff est à nouveau accusé de viol sur mineur par une femme dans la cinquantaine, dénonçant des agressions sexuelles endurées de ses 4 à 13 ans, sort sur nos écrans l’adaptation très fidèle du livre. Signée Vanessa Filho, elle propose un scénario auquel Vanessa Springora a participé. 

Après une scène d’ouverture intrigante, on se retrouve dans un dîner en ville, où la lycéenne Vanessa (Kim Higelin) en compagnie de sa mère alcoolique mondaine (Laetitia Casta) rencontre pour la première fois Matzneff (Jean-Paul Rouve). Le vaniteux auteur plastronne devant un auditoire admiratif tout en jaugeant sa future proie, sur laquelle il met déjà ses griffes au retour, dans la voiture. Facilitatrice, la mère esquisse un froncement de sourcil....

Descriptions crues et analyse froide

Vanessa Filho, dont c’est le deuxième long métrage après Gueule d’ange ne craint pas de déranger, de choquer, de provoquer le malaise, en décrivant crument les relations sexuelles entre Matzneff et Vanessa. Tout en analysant froidement le mécanisme de l’emprise que subit l'adolescente, éblouie par l’intelligence du prédateur et persuadée de l’amour qu’il lui voue.

Pour autant, cette adaptation réaliste, sans trahir l’œuvre, n’est pas tout à fait à sa hauteur, dans la mesure où la puissance de l’image n’égale pas celle de l’écrit. Mais elle s’avère édifiante pour ceux qui n’ont pas lu le livre. 

Performances incroyables

La performance de ses deux protagonistes principaux n'y est de loin pas étrangère. Pourtant âgée de 22 ans lors du tournage, Iza Higelin (la petite-fille du chanteur mort en 2018) fait totalement illusion. Elle est bouleversante en frêle gamine timide de 14 ans, ravagée, brisée. Victime inconsciente au début, elle réalise peu à peu que quelque chose ne va pas mais, incapable d’échapper seule au piège tendu par le terrifiant prédateur, elle ne sait pas vers qui se tourner.  .

Quant à Jean-Paul Rouve, méconnaissable pour l’occasion avec son crâne rasé, et là où non ne l’attendait pas, il se révèle magistral en monstrueux et pervers manipulateur. Narcissique, redoutable, féroce, il sidère et fascine. On croit voir et entendre le présomptueux Matzneff, usant de son insupportable arrogance et de sa célébrité pour amuser la galerie.  

A l’image de la fameuse émission de Bernard Pivot de 1990, où l’écrivain se vante de ses conquêtes juvéniles face à la complaisance de ses pairs, se moquant de l’écrivaine québécoise Denise Bombardier, seule à dénoncer les scandaleuses pratiques de cet écoeurant individu. 

Si une partie de la critique française estime que Vanessa Filho a réussi son difficile pari, l’autre ne manque pas de l’égratigner. En revanche les jeunes ne se montrent pas indifférents, suite à une tendance TikTok, qui a fait progresser les entrées de 4o% en une semaine. 

A l’affiche  dans les salles de Suisse romande dès mercredi 6 novembre.

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