Grand écran: portrait de la magnétique et combative Nan Goldin, dans "All The Beauty And The Bloodshed" (26/04/2023)

C’est l’une des plus célèbres photographes de sa génération pour ses images queer avant-gardistes, exposées dans de nombreux musées. Venue au monde en 1953 à Washington, Nancy Goldin, dite Nan a  réinventé la notion de genre  et les définitions de la normalité Jeune fille introvertie, elle s'est heureusement émancipée dans une communauté alternative. Insolite, quand on pense que sa mère voulait faire d’elle une parfaite WASP (White Ango-Saxon Protestant) !

Suite à une opération en 2017, Nan est devenue dépendante à l’OxyContin, un  médicament anti-douleur. Elle a survécu de peu, et depuis lors , cette amoureuse du collectif et du partage se bat inlassablement contre les Sackler, richissime famille aristocratique américaine, propriétaire du géant  pharmaceutique Purdue et  figurant parmi  les plus grands mécènes dans le domaine de l’art. 

Les Sackler sont accusés d’avoir commercialisé l’OxyContin,  sans mettre en garde les patients contre ses dangereux effets  addictifs, dans le but de pousser à la sur-prescription.  Et d’être ainsi responsables de la crise des opiacés dans le monde, plus particulièrement  aux Etats-Unis, où elle a causé quelque  500.000 morts en vingt ans.

Des opérations coups de poing

Avec d’autres militants accros et .leurs proches, Nan Goldin  a fondé  l’organisation PAIN (Prescription Addiction Intervention Now) consacrée à la prévention des overdoses. Menant des opérations coup de poing  inspirées d’Act Up,  ses membres. ont dénoncé la complicité de grandes institutions comme le Louvre, la Tate, le Guggenheim ou le Met qui, jusqu’à récemment, acceptaient l’argent et les œuvres d’art de la famille Sackler. 

Le film s’ouvre sur l’un de ces coups d’éclat emblématiques à l’intérieur du  prestigieux musée de la Cinquième Avenue,  avec projections de faux contenants d’opioïdes et d’ordonnances dans la fontaine de l’aile Sackler, tandis que des manifestants s’allongent sur le sol pour un  die-inll The Beauty And Th » saisissant et spectaculaire. . 

Avec  Avec All The Beanty And The  Bloodshed (Toute la beauté et le sang versé) , Laura Poitras elle-même réalisatrice pugnace, s’est non seulement penchée sur la lutte acharnée de Nan Goldin.,  mais sur son existence et son parcours artistique. Elle brosse ainsi  un portrait fascinant de sa protagoniste,. marquée à jamais par le suicide de sa sœur en 1963., internée contre son gré car lesbienne. Le titre de l’opus est d’ailleurs inspiré d’un  texts de son aînée adorée.

Oscarisée en 2015 pour Citizenfour  consacré au lanceur d’alerte Edward Snowdon, la documentariste a décroché le Lion d’or à la dernière Mostra de Venise avec son dernier (très) long métrage hybride, brillamment mené entre documentaire et biographie, né d’une volonté de Nan Goldin d’informer sur les intervention de PAIN.  On peut du coup reprocher  à l’auteur de multiplier les niveaux de lecture  Mais ce serait oublier que la vie de sa singulière héroïne,  qu’elle soit familiale, amoureuse ou sociale,. est inséparable de son oeuvre (à l’image de sa série emblématique  The Ballad Of Sexual Dependance), et de sa lutte acharnée.  

Engagement sans faille contre les discriminations des gays dés 1983 

Revisitant, principalement à l’ide d’une multitude de photos,  l’existence de cette incroyable battante, Laura Poitras retrace son engagement  contre les discriminations subies par la communauté gay à la fin des années 1970 et début 1980  Dès 1983, Nan Goldin a beaucoup et longtemps photographié ses amis de l’Underground queer de Boston, puis de la Bowery newyorkaise. Se succèdent  devant son objectif travestis, poètes,  écrivains, cinéastes, mais également drag queens, prostituées ou junkies à une époque où un  sida diagnostiqué équivalait à une condamnation à mort pour ces gens, créatifs ou non , fauchés les uns après les autres.

Eminemment politique, artistiquement et socialement réussi,  cet opus frontal, radica,l où Nan Goldin se livre sans concession, s’apparente, on l’a souvent dit, au combat de David contre Goliath. Reste que les Sackler, poursuivis en justice par divers plaignants dont bien sûr PAIN, ont été forcés d’entendre  les témoignages de leurs victimes.  Devant ensuite payer six milliards de dollars à huit  états américains. Par ailleurs leur nom a été effacé du Louvre. Ainsi que de la Tate,  du Guggenheim ou du Met, qui ont renoncé à tout financement d’une dynastie avec du sang sur les mains. . 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi  25 avril. 

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