Grand écran: "Vous n'aurez pas ma haine", film témoignage avec Pierre Deladonchamps. Interview (02/11/2022)

Tuerie au Bataclan le 13 novembre 2015. Parmi les 130 morts, une femme de 35 ans, Hélène. qui était allée avec un ami écouter le groupe Eagles Of Death Metal. Trois jours après, son mari, le  journaliste Antoine Leiris, s’adressait aux terroristes dans une lettre ouverte sur Facebook qui a ému le monde entier. Il y déclarait notamment « ---Vous avez ôté la vie d’un être exceptionnel. volé l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais non, vous n’aurez pas ma haine… ». 

Un an plus tard, le post devenait un livre. Dans la période ayant suivi la tuerie, Antoine Leiris  raconte sa reconstruction, son nouveau quotidien avec son fils Melvil, âgé de 17 mois. Il décrit sa souffrance, sa tristesse, sa peur, le vide, le manque laissé par Hélène  Après un monologue théâtral en 2017, son récit a été adapté par le réalisateur allemand Kilian Riedhof, qui évoque la tragédie, avant (où apparaît une Camélia Jordana solaire), pendant et après.

Il est difficile de ne pas être touché par la résilience du veuf fou de désespoir, mais refusant de se laisser submerger par ses émotions, de céder à la colère, d’élever son fils (en l’occurrence joué par la petite Zoe Iorio) dans la terreur et la haine.  Une réserve pourtant. Bien que faisant preuve de retenue et de sensibilité,  Kilian Riedhof n’évite pas toujours le pathos, et a parfois du mal à se monter à la hauteur dans la représentation de la douleur de son héros, de son deuil impossible.. 

On est en revanche bluffé par la performance de Pierre Deladonchamps, toujours excellent comme par exemple dans  Plaire, aimer et courir vite ou encore les Chatouilles. Il devient plus qu’il n’incarne  Antoine Leiris  On l’avait rencontré en août dernier au Festival de Locarno, l’oeuvre étant projetée sur la Piazza Grande.

Comment êtes-vous arrivé dans ce film? Aviez-vous lu le livre?

Oui, à sa sortie, et j’avais très envie de ce projet. Kilian a vu plusieurs acteurs et a décidé de me choisir. Notamment pour la manière dont j’avais lu les mots d’Antoine sur Facebook. Il y avait également une proximité physique. On a travaillé sur l’aspect du personnage, ses cheveux.

Avez.vous rencontré Antoine Leiris pour mieux vous en imprégner?

Non. Je n’y tenais pas et lui non plus d’ailleurs. On s’est envoyé des messages. En fait je ne voyais pas trop ce que je pouvais lui demander Le livre et les interviews que j’ai regardées me suffisaient. 

La charge d'émotions à transmettre est exceptionnellement forte. Etait-ce intimidant?

Intimidant peut signifier qu’on n’est pas au niveau du personnage parce qu'on y est étranger. Or j’ai justement choisi ce métier pour faire ressortir des choses que je n'ai pas forcément vécues. J’ai des doutes bien sûr à chaque film, qui est à chaque fois une aventure . Mais c’est un moteur et ça donne de la force. Là j’ai tenté, avec mon ressenti, de rendre Antoine le plus proche de ses mots, de ses écrits, d'être digne de sa grandeur. J’espère y être parvenu. En tout cas, il a vu le film et je crois qu’il l‘a beaucoup aimé. 

Comment s’est passée votre collaboration avec Zoé, qui joue le fils d’Antoine? 

Bien, je l'adore. Mais c’’est difficile de travailler avec des enfants. En revanche c’est enrichissant. L’égo du comédien se trouve déplacé. Il faut se concentrer sur ce qu’on peut obtenir d’eux.

Au fait pourquoi avoi choisi une fille?`

Simplement parce que c’était la meilleure.

N'est-ce pas curieux que ce soit un Allemand plutôt qu’un Français qui ait réalisé le film?

Plutôt un mal pour un bien. Antoine Leiris préférait qu’il n’y ait pas trop de proximité- Par ailleurs il n’y avait pas de problème de langue, Kilian parlant aussi français. 

Vous n'aurez pas ma haine, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 2 novembre.

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