Festival de Cannes: une deuxième Palme d'or à Ruben Ostlund pour "Sans filtre". La déception! (28/05/2022)
Dans son discours d’introduction à la cérémonie de clôture orchestrée par Virginie Efira, le président Vincent Lindon a déclaré qu’il avait tout aimé, les gens, les films et surtout ses huit complices. Au point qu’il a demandé avec humour la reconduction du jury. Mais non, on ne va pas les réélire, lui et son équipe, après l’attribution décevante d’une deuxième Palme d’or à Triangle Of Sadness (Sans filtre, en français) de Ruben Ostlund, déjà couronné il y a cinq ans pour The Square, .
Le Suédois, qu’on avait carrément oublié dans les pronostics, se déchaîne démentiellement dans cette comédie structurée en trois actes, se voulant provocante et grinçante, en dénonçant à nouveau le fossé de plus en plus béant entre les ultra riches et les ultra pauvres. Mais le réalisateur devient curieusement moralisant en dépit de ses excès, en inversant les rapports de classe. La farce est lourde, grotesque et peu ragoûtante. On nage dans le vomi au propre et au figuré avant que le cinéaste s’embourbe dans un troisième chapitre à l’issue interminable.
C’est donc raté pour Close du Flamand Lukas Dhont. On espérait pourtant le voir gagner avec sa bouleversante histoire d’amitié fusionnelle entre deux jeunes garçons de 13 ans qui se termine dramatiquement. Il doit donc se contenter du Grand prix du jury, ce qui n’est certes pas si mal…et le partager avec Stars At Noon de Claire Denis. L'oeuvre laisse songeur, Elle évoque une jeune Américaine, mi-journaliste mi-pute, qui se donne des frissons au Nicaragua. Sans passeport et fauchée, elle rencontre un mystérieux homme d’affaires anglais fatal, doublé d’un amant trouble.
De son côté, le Polonais Jerzy Skolimowski auteur du singulier Eo dont un âne est le héros, doit aussi partager le prix du jury avec Les huit montagnes, un opus dégoulinant de bons sentiments des Belges Félix Groeningen et Charlotte Vandeersch. Et la razzia continue, vu que les Wallons Dardenne reçoivent le Prix spécial du 75e anniversaire du festival avec Tori et Lokita, un plaidoyer pour les migrants mineurs. Histoire de les caser quelque part ?
Des autres prix incontestables
La suite est plus logique avec le prix de la mise en scène décerné au Sud-Coréen Park Chan-wook pour son polar fascinant Decision To Leave. Un détective chevronnè enquête sur la mort suspecte d’un homme et tombe sous le charme vénéneux de sa veuve. Quant au prix du scénario, il va au Suédois Tarik Saleh pour Boy From Heaven, passionnant thriller sur la lutte de pouvoir entre religieux et politiques pour l’élection d’un nouvel Imam.
Côté interprétation, l’Iranienne Zar Amir Ebrahimi est justement sacrée meilleure actrice. Dans Holy Spider de l’Irano-Danois Ali Abassi, elle traque un tueur de prostituées dans son pays au début des années 2000. Un film basé sur des faits réels. Le prix du meilleur acteur est décerné au Sud-Coréen Song Kang-ho pour son rôle dans Broker du Japonais Hirokazu Kore-eda. Patron d’un pressing il recueille illégalement des bébés abandonnés pour les vendre.
Les primés dans les sections parallèles
Le haut niveau de la compétition s’est retrouvé dans les sections parallèles, qui ont également fait des heureux. Le grand prix «Un certain regard» a été octroyé au film français Les Pires de Lise Akoka et Romane Gueret. Quatre ados sont choisis pour tourner dans un film, alors que tout le monde se demande pourquoi avoir pris les pires… Quant à Saim Sadiq, premier auteur pakistanais sélectionné, il a eu la chance de décrocher le Prix du jury pour Joyland, l’histoire du benjamin d’une famille patriarcale et conservatrice tombé amoureux d’une danseuse trans dans un cabaret érotique de Lahore.
Dans la foulée, il a aussi obtenu la Queer Palm. En la lui décernant, la présidente du jury Catherine Corsini, qui avait raflé cette récompense en juillet dernier pour La fracture a salué « un film extrêmement fort, représentant tout ce que nous défendons. Il va retentir dans le monde entier. Partout où il y a des interdits de l’homosexualité ».
A la Semaine de la critique le Colombien Andrés Ramirez Pulido a remporté le Grand prix pour son premier long métrage La Jauria, où il se penche sur le quotidien de jeunes délinquants.
La révélation Zelda Samson récompensée
A l’honneur en compétition avec trois médailles, le cinéma belge brille encore dans cette section. Zelda Samson, révélation de Dalva, premier long métrage d’Emmanuelle Nicot a gagné le Prix Fondation Louis Roederer. Elle est formidable dans le rôle d’une gamine de 12 ans enlevée à un père incestueux et placée dans un foyer.
Deux récompenses ont été décernées à La Quinzaine des réalisateurs, volet non compétitif, dirigé une derrière fois par Paolo Moretti. Le Label Europa Cinemas a été attribué à Un beau matin de la Française Mia Hansen-Love, évoquant la lutte d’une mère célibataire entre son enfant, son père malade et son amant. Quant au prix SACD, il a été remis à La montagne, de et avec son compatriote Thomas Salvador. Un homme tourne le dos à la société, pour se ressourcer sur les sommets.
Un mot enfin sur la Caméra d’or remise à War Pony des Américains Gina Gamell et Riley Keough. Le film suit un gamin de 12 ans et un jeune homme de 23 ans, essayant tant bien que mal de survivre dans le Dakota du Sud.
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