Grand écran: "La vraie famille", mélodrame bouleversant avec une remarquable Mélanie Thierry (23/02/2022)
Anna, 34 ans, vit avec son mari, ses deux petits garçons et Simon, placé chez eux par l’Assistance Sociale depuis l’âge de 18 mois. Il est aujourd’hui âgé de six ans. C’est alors que son père biologique veut récupérer sa garde. Un arrachement pour Anna, qui ne peut se résoudre à laisser partir celui qui l’a toujours appelée «Maman».
La vraie famille, qui en réalité n’existe pas dans la mesure où elle ne cesse de changer, est le second long métrage de Fabien Gorgeat. S’inspirant de sa propre histoire, évitant le manichéisme et les pièges du pathos, il livre un mélodrame bouleversant. Soulevant avec intelligence, finesse et sensibilité des questions sur la complexité de la situation, l’auteur évoque parallèlement l’inégalité sociale entre des parents de substitution aisés qui peuvent offrir beaucoup plus à Simon que son vrai papa, jeune veuf seul gagnant péniblement sa vie.
Fabien Gorgeat capte parfaitement les tourments que provoque le retour de ce dernier vers la famille d’accueil, le déchirement qu’éprouve Anna, louve dévorante qui voit dans cette restitution obligée une forme d’injustice. Elle invente des prétextes pour ne pas rendre Simon, d’où le côté thriller qui traverse le film.
Réaliste, tendu, avec une authenticité que confortent des enquêtes auprès des familles, des gens spécialisés, plus particulièrement une longue rencontre avec une éducatrice, l’opus est porté par Mélanie Thierry. La comédienne trouve là l’un de ses plus beaux rôles. Elle est remarquable d’intensité et de justesse face au petit Gabriel Pavie, impressionnant de naturel. Une révélation. A leur côté Félix Moati se montre très convaincant en père biologique qui a entrepris un gros travail de reconstruction.
«Je suis parti de mon enfance»
«Cela fait 25 ans que j’avais envie de faire ce film », raconte Fabien Gorgeat de passage à Genève. «Je suis parti de mon enfance. Comme dans l’intrigue j’ai vécu avec un bébé de 18 mois placé chez nous alors que j’en avais trois et demi de plus. Mais j’ai également été influencé par Kramer contre Kramer, de Robert Benton, Le Kid de Charlie Chaplin. Sans oublier E.T. de Steven Spielberg, parce que dans le fond, accueillir cet être fragile, c’était comme accueillir un extra-terrestre».
Pourquoi votre famille a-t-elle décidé de s’occuper d’un gosse de plus?
Ma mère s’est simplement dit, pourquoi pas ? Une voisine le faisait. Mais on ne prend pas la mesure de ce que cela va impliquer émotionnellement. Au début on vous conseille de l'aimer mais pas trop. Evidemment ça ne marche pas de cette manière. On s’attache, on crée un lien et quand l’enfant doit partir, c’est dur.
On peut parler d’hymne à l’amour maternel.
Je dirais plutôt surmaternel. On va très loin dans ce sentiment. Ma mère n’était pas comme Anna, qui perd peu à peu la raison par débordement d’amour.
Au départ, on voit le père comme un trouble-fête. On éprouve presque de l’hostilité à son égard.
Absolument. Simon est dans un conflit de loyauté. Mais les choses évoluent au fil du récit. Il est important qu’il n’y ait que des parties aimantes. Le père a toute sa légitimité dans sa revendication. Anna doit désapprendre à être mère et lui doit au contraire apprendre à se réapproprier son rôle.
Mélanie Thierry est extraordinaire. Avez-vous écrit le rôle pour elle?
Pas du tout Je ne la connaissais pas. Je l’avais notamment découverte dans La douleur. Mais je n’avais pas vu de lâcher prise chez elle. En fait elle est entre ma mère, issue d’un milieu populaire qui a inspiré le personnage d’Anna, et Meryl Streep qui veut récupérer la garde de son fils qu’elle avait laissée à son ex-mari. Mélanie est entre le quotidien et la sophistication.
Fabien Gorgeat va nous donner d’autres émotions avec son prochain film, une comédie évoquant une relation très forte entre deux potes de 16-17 ans et une fille. «Il y aura de la trahison, du théâtre, de la sexualité.»
La vraie famille, à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 février.
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