Grand écran:" L'événement", film majeur sur le droit à l'avortement. Avec la remarquable Anamaria Vartolomei (05/12/2021)

2021, année des réalisatrices. Après l’Oscar attribué à la Chinoise Chloé Zhao pour Nomadland, la Palme d’or décernée à la Française Julia Ducournau à Cannes pour le clivant Titane, la Mostra de Venise a récompensé d’un Lion d’or Audrey Diwan, autre Tricolore, pour L’événement. Film politique majeur sur l’avortement, il se déroule dans la France de 1963, 12 ans avant la légalisation de l’IVG sous l’impulsion de Simone Veil. Adapté du récit autobiographique d’Annie Ernaux, il met en scène  Anne (l’excellente Anamaria Vartolomei), une lycéenne issue d’une famille prolétaire.

Brillante, Anne a des rêves de liberté plein la tête. Elle veut devenir écrivaine. Mais elle tombe enceinte lors d’une première relation sexuelle. Une catastrophe qui peut sonner le glas de ses ambitions. Alors la courageuse jeune fille, prête à tout pour rester maîtresse de son corps et de son avenir, décide d’avorter. L’acte est passible de prison, mais elle tient absolument à poursuivre son cursus, "se soustraire à cette maladie qui ne frappe que les femmes et les transforme en femmes au foyer". Plus particulièrement dans un milieu modeste où les hautes études ne courent déjà pas de source.

Anne a peu de temps devant elle. Les examens approchent et son ventre s’arrondit. Rythmé par l’égrenage des semaines qui passent, le film évolue à la façon d’un redoutable compte à rebours. Lancée seule dans une course contre la montre, l’adolescente doit non seulement dissimuler son début de grossesse, mais se battre contre les obstacles qui s’accumulent sur son  sinueux chemin de croix: trahison scandaleuse d’un médecin, veulerie du père biologique, lâchage de ses copines oscillant entre peur et jalousie.

Audrey Diwan nous secoue et nous bouleverse

L’auteure nous glisse dans la peau de cette adolescente qui tente par tous les moyens, dont certains font froid dans le dos, de se débarrasser du fœtus. On souffre, on partage sa révolte, on part avec elle en guerre contre le conservatisme, la rigidité d’un code législatif rétrograde et patriarcal. Et on tombe sous le charme de l’exceptionnelle Annamaria Vartolomei, habitée par son personnage. Alliant détermination, énergie, audace  et sensibilité, elle se révèle saisissante d’authenticité. A noter à ses côtés le Vaudois Kacey Mottet Klein et Sandrine Bonnaire dans le rôle de la mère.  

Avec L’événement, l’un des grands films de l’année, Audrey Diwan nous bouleverse, nous secoue. Racontant une société qui condamne le désir des femmes et le sexe en général, l’œuvre sous tension croissante nous emporte par sa justesse, sa puissance. Tripale, passionnante, ingénieuse dans sa reconstitution historique, elle démontre la tragique réalité d’une maternité non désirée chez les jeunes filles, leur vécu et les drames que vivent encore des millions de femmes dans les pays où l’interruption de grossesse demeure criminelle. 

Ce faisant, la cinéaste rend aussi hommage à celles qui ont lutté de toutes leurs forces pour la libre disposition de leur corps. La partie n’est pas gagnée. Il suffit par exemple de penser aux tentations de la Cour suprême des Etats-Unis à modifier le cadre légal garantissant le droit des Américaines à l’avortement, soit en le restreignant soit en l’annulant. 

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 8 décembre.  

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