Grand écran: Kate Winslet et Saoirse Ronan vivent une passion interdite dans "Ammonite" (11/05/2021)
En cette année 1840, Mary Anning (Kate Winslet) mène une existence dure, austère et morne. Oubliée par l’Histoire, elle fut pourtant une sommité autodidacte de la paléontologie. Mais ses importantes découvertes, notamment celle du squelette d’un plésiosaure qui lui valut une renommée mondiale, font partie de son passé. Elle habite désormais, avec sa mère, une modeste maison dans un village côtier du Comté de Dorset et glane des ammonites, des fossiles qu’elle vend aux touristes pour subsister.
Mary garde toutefois quelques admirateurs. L’un d’eux, un riche noble londonien en partance pour un voyage d’affaires lui demande, moyennant rétribution, de prendre en pension Charlotte (Saoirse Ronan) , son épouse convalescente et de l’initier un peu à sa science. Mary se montre peu emballée à l’idée d’avoir Charlotte dans ses pattes, mais elle a besoin d’argent et accepte de s’en occuper.
Un défi aux barrières sociales de l’époque
Lui manifestant un intérêt tout juste poli, elle finira par s’attacher à cette jeune femme de la haute société dont elle ne savait que faire. C’est le début d’une passion interdite, étouffée par les conventions entre deux êtres dissemblables, mais qui défieront les barrières sociales dans l’Angleterre si corsetée de l’époque victorienne.
On est tenté de rapprocher le film, labellisé Cannes 2020, de Portrait d’une jeune fille en feu, certains arguant même que son plus grand malheur est d’arriver après le chef d’œuvre de Céline Sciamma. Ce n’est vraiment pas rendre justice à Frances Lee, auteur de films très personnels, comme il l’avait prouvé dans son premier, God’s Own Country (Seule la terre), où Il évoquait une romance entre un fermier du Yorkshire et un travailleur immigrant roumain. Là déjà d’ailleurs, on l’avait comparé au célèbre Brokeback Mountain d’Ang Lee.
Des protagonistes très connectés à la nature
Le Britannique, un grand garçon doux de 51 ans, s’était senti flatté, tout en marquant sa différence. Il aime simplement parler de la découverte des sentiments, des réactions émotionnelles liées au fait d’aimer et d’être aimé, Tomber amoureux a par exemple été pour lui la chose la plus difficile tant il craignait d’avoir le cœur brisé, comme il nous le racontait à l’occasion d’une rencontre à Genève.
Ses héros ou héroïnes sont en outre fortement connecté-ées à la nature et à ses éléments, parfois déchaînés, révélateurs symboliques de la passion et de ses tourments. La majeure partie de ce second long métrage se déroule ainsi sur une plage de sable balayée par de grosses vagues venant se briser sur les roches qui s’effritent.
Une intrigue émouvante sublimée par ses deux actrices
Frances Lee prend son temps pour installer son émouvante et poétique intrigue, sublimée par de magnifiques images et un excellent casting. A commencer par Kate Winslet. Carapaçonnée, mutique et revêche, elle peine à se libérer avant de succomber aux désirs secrets qui animent son personnage, livrant une interprétation poignante, sans doute l’une des meilleures de sa carrière. Saoirse Ronan se montre à la hauteur dans le rôle de Charlotte, tout comme Gemma Jones dans celui de la mère de Mary.
Il faut toutefois noter qu’ Ammonite n’est pas une biographie de Mary Anning, mais une histoire très librement inspirée de sa vie. Le réalisateur qui dit cacher en lui une part de la paléontologue, étant comme elle né pauvre et sans accès à l’éducation, lui prête une liaison qu’elle aurait pu avoir. Ce qui a choqué.
On lui reproche en effet de raconter une relation lesbienne, alors qu’il se serait plutôt agi d’une amitié avec Charlotte Murchison. A quoi le cinéaste a répondu que s’il n’existait pas de preuve d’une histoire d’amour de Mary avec une femme, il n’y en avait pas non plus avec un homme. On s’en tiendra donc à la licence cinématographique. Et cela apparaît parfaitement crédible dans cet opus so british.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès le 12 mai.
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