Grand écran: mes films préférés de 2020 (31/12/2020)
Vu la situation, on a eu droit à la portion congrue en ce qui concerne les sorties en salles. Mais la qualité était là. Voici, plus ou moins dans l'ordre, mes préférés qui ont réussi à échapper au coronavirus.
Judy, de Rupert Goold
Exceptionnelle, Renée Zellweger, récompensée par un Golden Globe et un Oscar, est l’atout majeur du film de Rupert Goold. Elle n’incarne pas, elle est Judy Garland dans ce biopic qui s’attache aux deux dernières années de la vie et de la carrière de la légendaire actrice et chanteuse, propulsée star à 17 ans, morte à 47 ans d’une overdose en 1969. Sa vie privée agitée avait accentué sa dépendance et, en 1950, la MGM mettait fin à son contrat. L’intrigue de Judy se déroule 18 ans après. On découvre l’ancienne petite fiancée de l’Amérique, accro aux médicaments et à l’alcool, fauchée, dépressive, acceptant une série de concerts à Londres pour tenter de récupérer la garde de ses enfants et de relancer sa carrière. Elle n’en aura pas la force.
Eté 85, de François Ozon
L’un des jeunes héros donne le ton d'emblée, nous révélant qu’il va être question d’amour et d’un cadavre. Et que si cela ne nous intéresse pas, cette histoire n’est pas pour nous. Attraction fatale entre fureur de vivre et d’aimer, Été 85 est librement adapté de La danse du coucou du Britannique Aidan Chambers, que François Ozon avait adoré en le lisant il y a 35 ans. Retrouvant ses 17 ans, il explore la complexité des sentiments, la violence de la passion qui animent deux adolescents dont les destins se croisent sur une plage de Normandie. Lors d’une sortie seul en mer, Alexis, 16 ans, fasciné par la mort, est sauvé du naufrage par David, 18 ans. Alexis (désormais Alex), pense avoir trouvé l’ami de ses rêves. Il va alors les vivre intensément pendant six semaines qui le révèleront à lui-même.
La fille au bracelet, de Stéphane Demoustier
Lise, une adolescente de 16 ans, passe l’après-midi à la plage avec son père, sa mère et son petit frère. Deux gendarmes débarquent et l’emmènent. On la retrouve deux ans plus tard. Elle est en liberté surveillée et porte un bracelet électronique, car elle est accusée d'avoir assassiné sa meilleure amie. Son procès va commencer et tout semble l’accabler ... Le réalisateur adopte le point de vue de ceux qui entourent Lise et ses proches, évoquant les conséquences du procès sur la famille, dont le noyau sera brisé. A travers ce fait divers où il aborde les mœurs de la jeunesse actuelle, le sexe "pour se faire du bien", le passage d’un partenaire à un autre, il montre surtout le fossé entre les générations.
Billie, de James Erskine
C'est l'histoire d'une artiste emblématique qui a changé le visage de la musique américaine et de la journaliste Linda Lipnack Kuehl, morte en essayant de la raconter. Née en 1915, Billie Holiday, a eu une vie fascinante et tragique. Elle est marquée par par des rencontres au sommet, mais également par la misère, la ségrégation, le viol, la prison, l'addiction à la cocaïne et l’héroïne. Croqueuse d’hommes, elle était bisexuelle, s’assumant et s’affichant sans complexe. Dans son documentaire événement rythmé par les tubes de Billie, James Erskine revient sur le parcours agité et sulfureux de cette légende du jazz vocal au timbre unique.
Miss, de Ruben Alves
Alex, 9 ans, n’a qu’une idée en tête: être élu Miss France. Quinze ans plus tard, alors qu’il navigue entre les genres, une rencontre imprévue réveille son rêve oublié. Il décide alors de participer à la célèbre compétition en cachant son identité civile masculine. Ruben Alves nous plonge, avec Miss, dans les coulisses de l’impitoyable concours, suivant le parcours mouvementé de ce jeune homme qui va tout donner pour remporter ce titre, pour lui si important dans la quête de sa féminité, de lui-même de sa place dans le monde. Avec le sublime Alexandre Wetter.
A Perfectly Normal Family, de Malou Reymann
Thomas, Helle et leurs deux filles, Caroline 14 ans et Emma 12 ans, forment une famille apparemment parfaite. Jusqu’à cette double révélation choc qui va la chambouler: Thomas deviendra une femme, et s’appellera désormais Agnete..Tout en offrant une vision sobre et intelligente de la transidentité, la cinéaste danoise Malou Reymann opte pour un ton assez léger en sondant les émotions et le vécu de chaque personnage. Prônant la tolérance, donnant l’image d’un quotidien à la fois banal et extraordinaire, Malou Reymann signe un drame attachant, juste, prenant, porté par d’excellents comédiens.
Seberg, de Benedict Andrews
Film policier américano-britannique adapté de faits réels de réalisé par Benedict Andrews, Seberg raconte le déclin de la célèbre actrice des sixties, qui se suicidera le 30 août 1979. Placée sous étroite surveillance par le FBI pour ses liens politiques et romantiques avec les Black Panthers, elle fut victime d’une campagne de désinformation et de harcèlement. C’est sur l'enquête menée sous l’autorité du directeur Hoover lui-même, que se concentre l’auteur et ses scénaristes, ce qui permet de montrer les agissements écoeurants du FBI.
Police, d’Anne Fontaine
Trois flics parisiens, Virginie (Virginie Efira) Aristide (Omar Sy) et Erik (Grégory Gadebois), se portent volontaires pour une mission inhabituelle. Il s’agit de reconduire un sans-papier à la frontière Sur la route de l’aéroport, Virginie comprend qu’il risque la mort s’il retourne dans son pays. Face à cet insoutenable cas de conscience, elle tente de convaincre ses partenaires de le laisser s’échapper. Police, excellent nouvel opus d’Anne Fontaine, l’un de ses meilleurs, n’est pas un ixième film sur l’institution. Tout en regroupant plusieurs problématiques, la réalisatrice se concentre sur son trio principal, confronté au quotidien sombre et sordide d’un métier usant moralement et physiquement.
Adieu les cons, d’Albert Dupontel
Suze Trappet, 43 ans, coiffeuse intoxiquée par 20 ans d’usage de produits nocifs dans son salon, apprend qu’elle n’en a plus pour très longtemps. Elle décide alors de retrouver l’enfant qu’elle avait été forcée d’abandonner lorsqu’elle avait 15 ans. Venue réclamer son dossier d’accouchement ,elle va croiser un fonctionnaire obsessionnel et geek quinqua, injustement évincé par un plus jeune. Ces deux éclopés vont se lancer dans une quête aussi folle qu’improbable. Avec Adieu les cons, Albert Dupontel livre une tragi-comédie mélancolique, formidablement portée par lui-même, Virginie Efira et Nicolas Marié.
Dark Waters, de Todd Haynes
Avocat spécialisé dans la défense des entreprises chimiques au début des années 2000, Robert Bilott découvre que la société DuPont est responsable de la pollution de l’eau en déversant ses déchets dans la rivière Ohio. Premier employeur de la région, l’usine empoisonne les habitants et les animaux avec le Téflon, un agent toxique. Déterminé à faire éclater la vérité contre l’avis de sa hiérarchie, Bilott change de camp et va risquer sa carrière, sa famille, sa vie. Todd Haynes livre, avec Dark Waters, un grand thriller d'investigation engagé, tiré d’une histoire vraie, porté par l’excellent Mark Ruffalo.
1917, de Sam Mendes
Le 6 avril 1917, alors qu’ils se reposent dans un champ de blé, deux jeunes caporaux se voient assigner une mission impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une tuerie, ils doivent sortir des tranchées, franchir les barbelés, traverser la zone démilitarisée et une partie des lignes allemandes... La caméra sur les talons, les deux hommes nous emmènent en enfer. A chaque avancée entre les explosions, dans le sang, dans la boue des tranchées on redoute sans cesse le pire. D’où le suspense incroyable que nous fait vivre cet opus virtuose, immersif, captivant, éprouvant, qui nous plonge au plus près de l’horreur de la guerre, de sa folie meurtrière, nous laissant ressentir la peur et l’angoisse de ces soldats bouleversants de courage.
Le cas Richard Jewell, de Clint Eastwood
Jeux Olympiques d’été à Atlanta en 1966. Le 27 juillet, Richard Jewell, un vigile d’une trentaine d’années, découvre un sac à dos suspect caché derrière un banc. Il fait évacuer les lieux et sauve de nombreuses vies. Acclamé pour sa bravoure, il est suspecté trois jours plus tard par le FBI d'avoir lui-même perpétré l'attentat. Le malheureux passe alors de héros à suspect numéro un, honni par toute l'Amérique. Il sera finalement innocenté mais sa réputation restera entachée. Pour son 40e film, Clint Eastwood s’empare à nouveau de l’histoire d’un personnage ordinaire au destin extraordinaire pour en faire une grande œuvre.
Queen & Slim, de Melina Matsoukas
Deux Afro-Américains, Queen et Slim, sont arrêtés par un policier blanc pour une infraction routière mineure. La situation dégénère et Slim, en état de légitime défense, tue le flic raciste qui vient de tirer sur Queen, la blessant à la jambe. Suite à ce contrôle au faciès qui tourne au drame, les deux jeunes gens sont poussés à une cavale mortelle de six jours, au cours desquels ils vont se découvrir et s’aimer, tout en devenant les héros de la population noire, un symbole de sa lutte contre les violences policières et les discriminations dont elle est sans cesse victime. Cette illustration tragique du racisme institutionnalisé fait évidemment surtout écho au meurtre de George Floyd, qui a mis le feu aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde.
16:48 | Lien permanent